Les spécialistes de la sécurité intérieure, mais également l'ensemble des Français un tant soit peu intéressés par cette question, apprécieront la nomination de Jean-Michel Fauvergue, ancien chef du RAID, aujourd'hui député de La République en marche, à la tête d'une mission sur la "répartition des tâches entre les forces de sécurité nationale, les polices municipales et le secteur privé de la sécurité". Quel dommage, seulement, que cette réflexion, fondamentale dans la réorganisation de notre système sécuritaire, n'ait pas été menée en amont de la mise en place de la "police de sécurité du quotidien". Ce simple contretemps démontre, si besoin en était, combien ce dossier a été bâclé pour n'avoir à répondre qu'à de simples intérêts politiques. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Face aux graves problèmes que rencontre notre pays dans la gestion quotidienne de notre sécurité intérieure, le gouvernement en place a choisi la précipitation, l'approximation et, in fine, l'inefficacité et la gabegie pour toute solution. Rien de bien nouveau, finalement, tant les exemples passés nous ont démontré le peu de cas que les politiques font du sujet.

Comme pour enfoncer le clou, la Cour des comptes a rendu au Premier ministre, le mercredi 7 février dernier, un excellent rapport sur la sécurité privée. Et il est sans appel. Les magistrats de la rue Cambon ont ainsi dénoncé un secteur d'activités "peu fiable, marqué par une qualité de service aléatoire" ainsi "qu'une professionnalisation insuffisante" notamment "encouragée par des donneurs d'ordre publics à la recherche de prix toujours plus bas". Ce secteur, pourtant sous le contrôle de l’État par le biais du Conseil national des activités privées de sécurité, rattaché au ministère de l'Intérieur, révèle donc de graves lacunes dont les politiques ne peuvent, une fois encore, s'exonérer.

Avec près de 11.000 sociétés privées de sécurité employant 167.800 salariés (plus que les policiers nationaux), et générant un chiffre d'affaires de 8,5 milliards d'euros, la sécurité privée devrait être un élément majeur de notre arsenal sécuritaire. Pourtant, elle est loin de répondre aux attentes, et contribue même, en l'état actuel des choses, à disqualifier notre stratégie globale en matière de lutte contre l'insécurité.

C'est donc bien l'ensemble de la problématique sécuritaire qui échappe, aujourd'hui, à nos gouvernants. Les emplâtres mis en place ces dernières années, quelles que soient les forces et quels que soient les domaines d'intervention, n'ont rien résolu et même contribué à l'aggravation d'une situation qui menace, maintenant, d'échapper à tout contrôle. C'est donc bien une réflexion d'ensemble qui doit être menée, afin de procéder à une réforme globale de notre système de sécurité intérieure. Cette réforme devra porter sur l'organisation des différentes forces qui le composent. Sur les articulations et les synergies qui doivent naturellement animer leur fonctionnement dans l'intérêt global de la nation. Sur la répartition des missions ainsi que sur les pouvoirs et prérogatives d'ordre public qui devront être reconnus à chacune d'entre elles afin d'éviter les redondances et les gaspillages auxquels nous sommes trop habitués.

Malheureusement, dans les orientations prises, rien ne laisse supposer qu'une telle démarche sera effectivement au rendez-vous. C'est, même, plutôt le contraire avec les réformettes sans contenu qu'on nous présente et le manque d'ambition affiché par ceux qui sont en charge de ces lourdes problématiques. À moins, bien entendu, que tout cela ne soit que de l'incompétence ; ce qui, finalement, expliquerait bien des choses.

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11 février 2018 à 19:33

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