Au secours, mon couple périclite !

Tel est le cri d’alarme que, d’après la newsletter politique de BFM TV de ce jour, lancent conseillers, ministres et députés En Marche ! Si des proches d’Emmanuel Macron sont « prêts à sacrifier leur couple pour lui », d’autres déplorent la "vague de divorces sans précédent" annoncée.

À la lecture de cet appel au secours, on est partagé. D’un côté, nous sommes contents d’apprendre que ce petit monde là travaille. Qu’ils ne perçoivent pas entre 7 et 10.000 euros mensuels sans fournir un travail conséquent nous rassure.

D’un autre, on est un peu consterné. Ils découvrent l’eau chaude, on dirait. Oui, la politique est chronophage et, de ce fait, « familiophage ». C’est un peu pourquoi, du reste, les hommes politiques embauchaient leurs femmes et leurs enfants : pour les voir un peu !

Par ailleurs, les séances de nuit à l’Assemblée, ça ne date pas d’hier…

Eh oui, bien sûr, nombre de femmes ont renoncé à de prometteuses carrières politiques car il leur fallait choisir entre ça et leurs enfants. 

Car, pas de chance, le jour des enfants, c’est le mercredi, mais c’est aussi le jour du Conseil des ministres, des questions au gouvernement ; bref, le jour le plus plein de la semaine politique.
 
Et 16 h 30, heure de sortie de l’école, est aussi l’heure où les séances de l'après-midi commencent à s’animer après la somnolence postprandiale. 

Et puis l’Assemblée, c’est un peu le Sud. On y dîne plus vers 21 h que vers 19 h, juste avant d’embrayer sur les séances de nuit…

Il est vrai qu’il y a là une anomalie française. Les pays du Nord, nos modèles jamais atteints, préservent la vie privée par des horaires plus… syndicaux .

Il est vrai qu’une révision de nos coutumes – essentiellement masculines et latines - s’impose.

Maintenant, pour ce qui est des divorces… les politiques n’ont pas le monopole . "Je n’ai pas la vertu des femmes de marin", chantait Barbara. Les femmes des militaires qui partent en OPEX quatre ou six mois sont mises à rude épreuve aussi… Tout le monde ne peut pas être bouchère et être à la caisse quand le mari est au comptoir.

Et il y a d’autres métiers prenants. Combien de couples ont sombré avant la soutenance d’une thèse de doctorat, lors d’une agrégation, d’un concours ? Combien d’infirmières restent célibataires ? Les institutrice ne devaient-elles pas l’être jadis, sans que personne ne s’apitoie sur leur vie de solitude ? 

Concilier vie familiale et vie professionnelle est, depuis plus d’un demi-siècle, le problème numéro un des femmes. Aujourd’hui, il devient celui des hommes confrontés à la carrière politique de leur femme. La surprise de ces néophytes prouve que le privé d’où ils/elles viennent souvent se débrouille mieux que le public, finalement. Seul le statut de fonctionnaire protège dans la sphère étatique. Mais, justement, n’est-il pas question de le ficher en l’air ? 

Il faut, au contraire, humaniser l’ensemble de la sphère laborieuse publique. Que le Président ne dorme que 4 h, c’est fréquent. C’était aussi le cas de Chirac. Le pouvoir est un excitant puissant. Mais un demi-million d’élus ou de membres des cabinets ministériels surexcités abandonnant conjoint et enfants, ce n'est pas bon. 

Apres « pensez printemps », Monsieur le President, de grâce, « pensez enfants ». 
Pensez conjoint, aussi. Sinon, les palais de la République retentiront sans fin de la complainte de Bérénice immortalisée par Racine :

"Que le jour recommence et que le jour finisse 
Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice
Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?"

Catherine Rouvier
Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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