En pleine crise politique à la suite du mouvement des gilets jaunes, le Premier ministre Édouard Philippe s'est exprimé, ce jeudi après-midi, devant le Sénat.

Pour Boulevard Voltaire, le sénateur Sébastien Meurant réagit et revient également sur les graves violences qui ont enflammé Paris, lors de la dernière manifestation.

Le Premier ministre Édouard Philippe s’est exprimé devant le Sénat au sujet de la crise politique qui résulte de la mobilisation des gilets jaunes. Comment avez-vous trouvé le Premier ministre au palais du Luxembourg ?

J’ai trouvé un Premier ministre digne, dans la mesure où il vient d’être désavoué par le président de la République. Certains de ses ministres se sont exprimés à rebours du cap qu’il se prétend tenir. Je pense que c’est un Premier ministre qui arrive en fin de course et en fin de cycle. Nous avons retrouvé, malgré tout, une constante, puisqu’il appelle à la lucidité sur l’état du pays, sur l’état des dettes et sur le caractère nécessaire des réformes structurelles.
Le problème, pour moi, c’est que ces réformes structurelles n’ont pas été engagées par ce même Premier ministre et ce gouvernement 1 du Président Macron. Il a toujours privilégié le symbole au fond. On a vu un Premier ministre appeler à l’apaisement, au débat et à la responsabilité des uns et des autres. Mais nous aurions bien voulu voir cette volonté d’apaisement avant. Le Président aurait, notamment, pu éviter les phrases assassines et blessantes envers le peuple français, "les gens qui ne sont rien" - et j’en passe, il y en a de très nombreuses en magasin.
J’entends qu’il appelle aujourd’hui au débat. Cependant, les propositions et les solutions que nous avons amenées au gouvernement ont été, jusqu’à présent, très méprisées. Cette taxation écologique que nous avons refusée en est un symbole. Notre avis a été balayé d’un revers de main, au principe que la Terre brûle. J’ai même entendu un ministre, en commission des finances, parler de déforestation en France. On est, évidemment, dans le déni, dans l’idéologie et pas du tout dans l’écoute et dans les échanges.

Les déclarations au sujet de la manifestation de samedi sont de plus en plus alarmistes. On craint, évidemment, des débordements de violences, peut-être même pires que ceux du week-end dernier. Selon vous, ces menaces sont-elles crédibles et que craignez-vous ?

Samedi et dimanche dernier, j’étais au Sénat. Je suis reparti dans le Val-d’Oise, le soir. J’étais bouleversé par ce qui s’est passé à l’Arc de Triomphe. Cela n’est jamais arrivé.
Des symboles de la France ont été piétinés. Ces images ont fait le tour du monde. J’ai véritablement pensé à tous ces Français qui sont morts pour la patrie. Ce symbole de notre pays a été piétiné, comme jamais, parce que le gouvernement a été incapable de le protéger.
En passant près de l'avenue Kléber, j’ai vu des détritus de mobilier urbain, des vitrines cassées, un saccage des biens des Parisiens et des commerçants. C’est absolument intolérable !
Je me suis exprimé pour savoir qui était responsable de tout ça. La responsabilité de l’État est d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Ce qui s’est passé est dramatique. Mais ce qui risque de se passer sera peut-être pire, car l’État a montré son incapacité à assurer l’ordre et à faire la distinction entre les paisibles manifestants - les gilets jaunes, extrêmement majoritaires, heureusement - et les casseurs.
L’honneur du pouvoir est d’assurer la sécurité des biens et surtout des personnes. Cela n’a pas été fait, peut-être par volonté de pourrissement de la situation, ou simplement par lâcheté. Au lieu de cela, on a vu des manifestants d’un certain âge tabassés et blessés alors que des casseurs pillaient.
Il y a quelques mois, le président de la République a donné raison aux zadistes, alors qu’il y avait une décision de Justice, alors que tout allait vers la réalisation d’un équipement public. En saccageant le centre-ville de Nantes et de Rennes, ces zadistes-là ont gagné. Ils ont donc envoyé un signal extrêmement négatif. Et ces gens-là se croient tout permis.
J’appelle donc à un respect de l’autorité de l’État. L’État doit être absolument intraitable avec les voyous et les casseurs. Il doit faire la différence avec les personnes qui manifestent pour défendre leur pouvoir d’achat, leur manière de vivre et leurs services publics. La difficulté, à Paris, est de neutraliser les casseurs et de laisser les personnes paisibles manifester. L’État s’est montré incapable de le faire la semaine dernière. J’ai bien peur qu’il soit incapable de le faire ce week-end. J’appelle, comme tous les responsables politiques et les pères de famille, à éviter les débordements et les prises de risque. C’est regrettable d’en être là.

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06 décembre 2018 à 18:43

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