Le scandale de Jeanne d’Arc

Finalement, le scandale n’est évidemment pas qu’une jeune fille de couleur incarne Jeanne d’Arc à l’occasion des Fêtes johanniques d’Orléans de 2018. En revanche, cela aurait été un pur scandale que cette demoiselle soit choisie parce qu’elle est noire.

Mais ce n’est apparemment pas le cas, si l’on en croit la présidente de l’association Orléans Jeanne d’Arc, Mme Baranger, interviewée mercredi par Boulevard Voltaire. Non, le scandale est ailleurs et Marlène Schiappa ne l’a pas vu, en enfilant de travers son casque de militante féministe et antiraciste, toujours prompte à monter à l’assaut d’une certaine "fachosphère" qui s’émeut que la Pucelle d’Orléans soit incarnée cette année par une métisse.

Le vrai, le seul scandale, c’est tout simplement d’exiger que cette jeune fille soit catholique. Comment, on ose encore sélectionner quelqu’un, en République française, sur un critère religieux ? Le maire d’Orléans, l’ancien LR Olivier Carré, a enrobé les choses, comme on sait le faire dans la classe politique, en déclarant : "Seul critère : qu’en 2018, comme depuis 589 ans, le peuple d’Orléans célèbre Jeanne d’Arc par une jeune qui évoque son courage, sa foi et sa vision." Mais c’est beaucoup plus que cela, ou bien j’ai mal compris l’interview donnée, aussi mercredi, à Boulevard Voltaire, par Charlotte d’Ornellas, qui incarna la Pucelle aux Fêtes johanniques de 2002. Car, effectivement, on ne demande pas à la damoiselle d’évoquer. On lui demande d’abord d’avouer. Avouer, confesser sa foi, comme le fit Jeanne tout au long de sa courte vie, puisqu’elle doit être baptisée dans la religion catholique romaine. Et, re-scandale, elle doit être pratiquante ! D’ailleurs, en novembre 2017, lorsque la prospection de la future Jeanne d’Arc fut lancée, une journaliste de France 3 Centre-Val de Loire s’en était émue : "Une mention [la catholicité] qui fera réagir sur Facebook, puisque la pucelle d’Orléans est devenue non plus seulement une icône catholique mais aussi un symbole national dans une République laïque." Vision faussée de qui est Jeanne. Elle n’est pas non plus seulement mais à la fois, de façon indissociable, symbole catholique et national. Sainte et héroïne, en même temps, justement. Vouloir en faire un symbole républicain est évidemment une aberration.

Celle qui va revêtir l’armure de Jeanne d’Arc et brandir sa bannière d’azur ne jouera pas un rôle dans une banale fête folklorique pour touristes en mal d’authenticité. Osons dire qu’elle accomplira un acte quasi liturgique. C’est pourquoi, autant il serait grotesque de vouloir faire jouer dans un film James Bond ou Lancelot du Lac par Omar Sy ou l’Oncle Tom par Tom Cruise, autant il est plutôt incongru de reprocher à cette demoiselle d’être noire. Plutôt incongru, d’autant que je me demande un peu si ce ne sont pas les mêmes qui militent pour que l’on enseigne à tous les petits Français, quelle que soit leur couleur de peau, que les Gaulois sont leurs ancêtres, et qui aujourd’hui crient au scandale, parfois de façon grossière sur la Toile, de voir une jeune Métisse enfourcher le destrier de Jeanne la Lorraine.

Alors, oui, c’est un scandale d’exiger d’une demoiselle qu’elle soit catholique pour incarner Jeanne d’Arc. Mais c’est un scandale qui doit perdurer. Car l’identité profonde de la France est là, n’en déplaise aux intégristes de la République. Et non pas dans le degré de pigmentation de la peau, n’en déplaise aux racialistes. "Nigra sum, sed formosa." "Je suis noire mais belle", dit le Cantique des cantiques.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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