Les « sanctions » américaines, outils de guerre commerciale

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Donc Trump a sorti (le 26 septembre) une liste noire d’entreprises et d’individus accusés d’alimenter le programme nucléaire de Pyongyang. Tous nord-coréens pour l’instant…

Il fut un temps - celui de la realpolitik - où les mots ne mentaient pas. Blocus et embargos ne projetaient aucune dimension morale et allaient de soi. Aujourd’hui, c’est autre chose : la « sanction » est une punition exercée sur le Mal par le Bien. Fin de la discussion…

Reprenons : on définit d’abord un marché à conquérir. On bâtit ensuite une histoire afin de diaboliser la cible, on martèle encore et encore, on force la main de ses vassaux et on sanctionne économiquement. C’est pour le Bien, contre le Mal : en conséquence, toute entreprise de la planète, même sans le savoir, pourra se trouver en difficulté, pénalisée, condamnée, voire financièrement en mauvaise posture par une simple interprétation extensive de la loi américaine. Une loi extraterritoriale, bien sûr.

Par exemple, les sanctions de juillet émises par le « gouvernement McCain-Graham », d’anti-russes deviennent anti-européennes, privant le continent d’un accès (peu cher) au gaz russe. Le site Bloomberg précisait, le 16 juin : "Une consultation avec les gouvernements européens aurait eu du sens […] le texte indique que le président "peut imposer" diverses sanctions contre les entreprises – investisseurs, fournisseurs, sous-traitants – qui participent au projet de pipeline russe. Pire, [ce texte] indique clairement qu’il ne s’agit pas seulement de punir la Russie, mais de se battre pour le marché énergétique européen."

Il s’agirait, selon Bloomberg"[de] viser Nordstream 2, le projet de pipeline russe vers l’Allemagne, qui passe par la mer Baltique en évitant l’Ukraine. Parmi les investisseurs de Nordstream 2, l’on compte la société française Engie, les allemandes Uniper et Wintershall, l’anglo-hollandaise Shell et l’autrichienne OMV." C’est donc un point de contention : "La production de gaz du Nord diminue rapidement, et si la capacité d’exportation américaine de gaz naturel liquéfié (GNL) augmente, il n’est pas sûr que le prix américain soit compétitif avec celui de Gazprom délivré par pipeline. Au stade actuel, [les exportations américaines de GNL)] sont un projet déficitaire destiné à gagner des parts de marché."

Bloomberg conclut : "Mais si ces exportations étaient gonflées par les sanctions [contre les pipelines Gazprom], l’Europe du Nord comme l’Europe centrale deviendraient les otages des fournisseurs américains." CQFD…

La Corée du Nord, elle, est également une aubaine. Les sanctions contre le pays, machiavéliques, ont trois effets attendus:

D’abord mettre l’Iran à genoux (l’Iran est un important partenaire commercial de « Rocket Man »). Il suffirait donc de « documenter » une activité « illégale » pour coincer les ayatollahs (nouvelles sanctions, ou plus…). Puis gêner la Russie, partenaire commercial et voisin de la Corée du Nord. Enfin, « impliquer » les exportateurs chinois vers les États-Unis dans des activités répréhensibles, même lointainement (tout est lié, en Chine).

C’est donc un immense moyen de pression que Washington tente d’exercer sur Pékin, afin de renégocier leurs partenariats commerciaux. Quand on joue avec le feu…

André Archimbaud
André Archimbaud
Consultant stratégique

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