Lors d’une visite au lycée hôtelier Guillaume-Tirel de Paris le 7 septembre, le ministre de l’Éducation nationale a posé les premiers jalons d’une réforme de l’enseignement professionnel.

L’apprentissage serait favorisé parce qu’il a montré sa capacité à insérer professionnellement ses élèves. Trois ans après l’obtention du baccalauréat professionnel, 89 % des apprentis ont un emploi quand ils ne sont que 76 % de ceux qui sont passés par les lycées professionnels (CEREQ 2016). Mais la poursuite d’études de ces bacheliers dans le supérieur est problématique.

La seule filière dans laquelle ils réussissent avec un taux comparable aux bacheliers généraux est le BTS. Encore faudrait-il distinguer selon les domaines professionnels. M. Blanquer a visité un lycée hôtelier, secteur très attractif où les bacheliers professionnels ne sont pas majoritaires en BTS et où ils doivent souvent suivre des cours de mise à niveau. Il faudra bien se poser la question de la légitimité de ce diplôme pour l’accès au supérieur.

Le ministre dit vouloir favoriser l’accès des bacheliers professionnels au BTS. C’est une piste pertinente qui, il faut le reconnaître, avait été initiée par le gouvernement précédent. Pour les meilleurs, le développement de licences professionnelles après le BTS est aussi une bonne idée qui profiterait aussi aux entreprises à la recherche de l’excellence.

Par ailleurs, il ne faut pas méconnaître les problèmes de chacune des voies de formation professionnelle. Si l’apprentissage est une voie de réussite, certains employeurs considèrent les apprentis comme une main-d’œuvre bon marché et se soucient peu de la formation, du moins générale. Les cours de français ou de mathématiques que les jeunes doivent suivre en CFA (centre de formation des apprentis) sont parfois sacrifiés lorsque l’entreprise a besoin de bras. Si les lycées professionnels, au contraire, sont plus attentifs à la formation générale de leurs élèves, la formation professionnelle peut pécher. Le matériel des ateliers est parfois obsolète et le contact avec le monde professionnel moins étroit qu’en apprentissage. Il conviendrait sans doute de rapprocher ces deux voies de formation pour garder le meilleur de chacune d’entre elles.

Il est cependant symptomatique que lorsqu’on parle de revaloriser la voie professionnelle, on le fait en voulant imiter la voie générale. Comme si le seul modèle d’excellence possible était celui-là. C’est ce qui s’est passé lorsque la durée des études pour l’obtention du baccalauréat professionnel est passé à trois ans pour s’aligner sur la durée du baccalauréat général. C’est ce qui se passe lorsque certains veulent que la philosophie soit enseignée aussi dans la voie professionnelle. En réalité, loin de revaloriser la voie professionnelle, on la met sous la tutelle de la voie générale. La seule intelligence qui semble être alors reconnue est l’intelligence abstraite. Mais les chefs-d’œuvre que réalisent les compagnons du Tour de France montrent qu’il y a aussi une intelligence manuelle. Veut-on valoriser symboliquement la voie professionnelle ? Il faudrait alors imposer aux bacheliers généraux une épreuve manuelle. Le jour où un élève pourra dire « J’ai eu la mention bien à mon bac S grâce à la menuiserie », on ne se posera plus la question de la dignité de la voie professionnelle.

1627 vues

10 septembre 2017 à 22:51

Pas encore abonné à La Quotidienne de BV ?

Abonnez-vous en quelques secondes ! Vous recevrez chaque matin par email les articles d'actualité de Boulevard Voltaire.

Vous pourrez vous désabonner à tout moment. C'est parti !

Je m'inscris gratuitement

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.