Regardant parfois, à sa grande époque, l'équipe de Toulouse éblouissante dans son jeu sous l'égide de Guy Novès, j'appréciais l'attitude de ce dernier, l'ascétisme de sa personne et l'allure dont il ne se départissait jamais sur le banc de touche. Aussi, on peut imaginer avec quelle allégresse d'amateur, même peu éclairé, j'ai accueilli sa nomination à la tête de l'équipe de France de rugby en 2015.

Je serais aussi tenté de vanter un monde où l'argent coulait moins à flots que dans le football, littéralement gangrené par les salaires exorbitants de certains joueurs et un commerce vulgaire faisant passer au second plan le divertissement et la belle gratuité de ce sport si populaire au point de constituer chaque Français comme un sélectionneur. Mais le rugby lui-même semble aujourd'hui atteint par cette lèpre d'un professionnalisme voué à la rentabilité et aux émoluments substantiels.

J'admets que, malgré les conditions inédites de son départ, il était légitime de remplacer Guy Novès et de considérer que son bilan était trop médiocre, malgré quelques éclats prometteurs ici ou là, pour justifier son maintien.

Je suis gêné par le climat général et les coulisses délétères ayant présidé à la désignation de son remplaçant Jacques Brunel (Le Monde, L'Equipe).

Il me semble paradoxal, alors que l'univers politique et les choix du pouvoir se soumettent de plus en plus à des règles de transparence et de validation parlementaire, de devoir accepter que le monde du rugby - celui du foot prête, pour l'instant, moins à la polémique grâce au succès de Didier Deschamps et de l'équipe de France - échappe à des critères de fiabilité et d'objectivité qui rassureraient les passionnés de ce sport.

Étrange, en effet, de précipiter un départ à cause d'un bilan en effet discutable au bénéfice d'un arrivant au bilan lui-même plus que sujet à caution si on songe à l'équipe d'Italie que Jacques Brunel a entraînée, même si apparemment il a redoré son blason avec l'équipe de Bordeaux. Pourquoi, en sortant d'un cadre franco-français, n'est-on pas allé quérir un professionnel étranger exemplaire et à la compétence reconnue par tous ? Il en existe, mais cette option pourtant évidente n'a pas été retenue parce qu'elle heurte sans doute un corporatisme et des intérêts à préserver.

On est alors obligé de s'interroger sur la mainmise de Bernard Laporte - Jacques Brunel était son préféré et son familier - sur une nomination dont on n'a pas l'impression que les structures du rugby professionnel - la FFR présidée par Bernard Laporte et la LNR de Paul Goze - aient eu véritablement leur mot à dire sur elle.

Le rapport de force, qu'a installé Bernard Laporte et dont il a profité, serait moins controversé si la personnalité de ce dernier et ses multiples activités - politiques, commerciales et comme président de la FFR - n'avaient pas suscité un sérieux débat, par euphémisme, sur la parfaite objectivité de cette sélection, qui émane d'une autorité dont la netteté n'a jamais été le caractère principal.

La Coupe du monde de rugby qui sera organisée en 2023 en France serait la victoire de Bernard Laporte. Cette indéniable et surprenante réussite sera-t-elle de nature à effacer toutes ces ombres ?

On va, en tout cas, passer de la rigueur d'un Guy Novès, trop peu couronnée de victoires, à une configuration dominée par Bernard Laporte et son favori Jacques Brunel, qui vient d'être officiellement consacré.

Des miracles sont certes possibles et ce dernier pourrait démontrer, à la tête de l'équipe de France, des vertus d'entraîneur qui auraient attendu la charge suprême pour se manifester. J'en accepte volontiers l'augure, mais quel que soit le registre - et la Justice n'a pas été étrangère à cette suspicion -, j'ai toujours eu tendance à douter des suites favorables de nominations pour le moins équivoques.

Alors, rien de Novès vraiment sous le soleil ?

En tout cas, le Tournoi des Six Nations, dès le mois de janvier, nous éclairera vite sur le destin de l'équipe de France et répondra à cette question.

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28 décembre 2017 à 9:00

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