Alors que le chantier de la réforme du droit du travail vient à peine de débuter, Muriel Pénicaud a expliqué au Monde, ce weekend, selon une formule d'une maladresse rare, que le Code du travail "n['était] fait que pour embêter 95 % des entreprises".

S'il n'est pas question, ici, de rejeter le principe d'une évolution du Code du travail, cette formule témoigne toutefois d'une soumission aveugle au dogme libéral, malheureusement dominant chez nos élites nationales, et méconnaît l'impératif de protection des droits des salariés, statut ultra-majoritaire des travailleurs français.

Car outre le recours opportuniste du gouvernement à l’ordonnance, ce sont bien les fondements même du droit du travail français qui, sous couvert de libéralisation, sont susceptibles d'être remis en cause.

En effet, jusqu'à maintenant, l'ensemble du droit français du travail était organisé selon un système pyramidal de normes (la Constitution, la loi, les décrets et arrêtés, les accords de branche, l'accord d'entreprise et, enfin, le contrat de travail) gouverné par le principe suivant lequel la norme inférieure ne peut en principe déroger à la norme de droit supérieure, sauf dans un sens plus favorable au salarié. Ce principe, dit de faveur, est un composant essentiel de l'ordre public social.

Or, le cœur du projet gouvernemental vise à inverser cette hiérarchie normative en assurant la primauté de l'accord d'entreprise, destiné à devenir la source principale et directe du contrat de travail. Ainsi, les accords d'entreprise seront admis de façon générale à déroger aux accords de branche, ce, compris dans un sens défavorable, sauf dans un certain nombre de domaines restant à déterminer. Malgré la volonté de l'exécutif de rassurer les syndicats, des sujets essentiels pourraient être concernés, tels que notamment les minimums salariaux ou la formation professionnelle.

On peut légitimement s'inquiéter du transfert, au niveau de l'entreprise, d'une partie importante de la négociation sociale, précisément là où le rapport de force entre employeur et salariés est le plus déséquilibré à la défaveur de ces derniers, et où le taux de syndicalisation est le plus faible. Plus symboliquement, cette réforme marquerait un recul net de l'État sur les questions du droit du travail, en dépit de son rôle historique d'arbitre dans les négociations sociales depuis la mise en œuvre des principes du Conseil national de la Résistance de 1945.

Les mesures projetées par le gouvernement sont, en réalité, directement destinées à réaliser le programme libéral voulu par le Président Macron, sur injonction des autorités européennes. Elles pourront compter sur l'approbation du patronat français et international, peu acquis à la cause patriotique : en témoignent, récemment, Starbucks, qui a décidé de l'emploi de 2.500 migrants dans ses cafés situés en Europe, ou de H&M qui refuse de faire respecter le principe de laïcité à son personnel de caisse.

L'urgence patriotique est aussi de protéger l'ordre public social français !

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03 juillet 2017 à 20:10

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