Le haut-commissaire chargé des retraites, Jean-Paul Delevoye, vient de présenter aux partenaires sociaux les grandes orientations de sa réforme. Cette personnalité du « vieux monde », qui a accumulé les hautes fonctions politiques, peut donner des leçons en opportunisme, lui qui est passé de l'UMP à La République en marche, soutenant au passage un candidat PS aux municipales. Itinéraire d'un premier de cordée qui ne pouvait que susciter la confiance d'Emmanuel Macron. Il l'avait, d'ailleurs, choisi pour présider la commission d’investiture lors des législatives de 2017. Mais les Français peuvent-ils lui faire confiance ?

Il vaut mieux ne pas s'y aventurer. Non seulement à cause de son opportunisme, mais parce que son passé ne plaide pas pour son impartialité ni son indépendance. Faut-il rappeler que, président du Conseil économique, social et environnemental, il s'était illustré, en 2013, par son refus d'accepter une pétition citoyenne contre le mariage pour tous, soutenue par 700.000 signataires ? Bien que « les conditions de nombre et de forme » soient réunies, « la saisine du CESE pour avis sur un projet de loi [relevait] exclusivement du Premier ministre ». Comme par hasard, une conclusion reprenant littéralement une note de Matignon.

Mais, même si on ne tient pas compte de cette forme de connivence, il faut prendre les informations livrées avec des pincettes. Si notre haut-commissaire met l'accent sur des arguments qui peuvent séduire ceux qui n'y regardent pas de trop près (la disparition de 42 régimes de retraite au profit d'un régime universel, la simplicité résumée dans la formule « 1 euro versé pour cotisation ouvrira droit aux mêmes droits »), il se garde bien de souligner les interrogations sur la réforme en cours.

Il ne s'agit pas de faire des économies, assure-t-on. Est-ce bien certain ? Ainsi, les droits à la retraite, qui sont aujourd'hui calculés sur les 25 meilleures années dans le privé et sur les six derniers mois dans le public, seront calculés sur l'ensemble de la carrière : on ne voit pas comment un tel calcul n'aurait pas d'effet sur le montant de la pension. À moins de travailler plus longtemps pour acquérir plus de points, ce qui permet, hypocritement, de respecter l'engagement du Président de ne pas modifier l'âge légal de la retraite.

Autre exemple : des points seront accordés pour chaque enfant, et ce, dès le premier enfant. N'est-ce pas un progrès ? C'est oublier que, dans le système actuel, la naissance d'un enfant donne droit à la validation de quelques trimestres. De plus, la majoration de pension pour les parents ayant élevé au moins trois enfants disparaîtra. Le gouvernement n'a jamais eu – c'est un euphémisme – d'attention particulière à l'égard des familles nombreuses.

Passons sur les modalités de la phase de transition, sur la conversion des annuités en points, sur le devenir des sommes acquises dans le cadre des retraites additionnelles, qui restent encore un mystère. Jean-Paul Delevoye ne précise pas, non plus, que le droit à pension dépendra de l'espérance de vie et de la valeur du point, variable selon la croissance...

Sans doute faut-il réformer un système de répartition qui ne peut fonctionner durablement si le nombre d'actifs continue de diminuer. Mais qui est responsable d'un chômage persistant et d'une politique démographique défaillante ? Le système choisi est à l'image du macronisme : enrichissez-vous et vous aurez une belle retraite ! Si vous ne dépensez pas tout, capitalisez, investissez pour votre avenir ! La majorité des Français devra se contenter d'une retraite modeste, de plus en plus aléatoire. Une fois de plus, le gouvernement fait preuve de cynisme et d'hypocrisie.

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11 octobre 2018 à 17:17

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