C’est parti ! Avec sa tactique du rouleau compresseur, le gouvernement s’attaque à la réforme de la SNCF et, surtout, au statut de cheminot. Le Premier ministre s’est montré déterminé, dressant un tableau sombre de la situation : dette colossale, pannes à répétition, défauts d’entretien, tarifs jugés trop élevés, etc., évoquant à peine un autre motif de la réforme, et non des moindres - préparer l’entreprise publique à l’ouverture à la concurrence, à partir de 2020 pour les TGV, et de 2023 pour les TER et les Intercités.

Sans être un spécialiste des transports ferroviaires, force est de constater que cette mise en concurrence est la conséquence d’un accord signé à Bruxelles et découle, comme le libre-échange, d’une conception ultralibérale de l’économie. D’ailleurs, plaident ses défenseurs, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne et l’Italie ont déjà totalement ou partiellement libéralisé ce secteur. Comme s’il allait de soi de les imiter.

Il ne s’agit pas de pousser des cris d’orfraie dès qu’on voit quelque part la patte de l’Union européenne : on passerait son temps à crier ! Mais le fait que, même en matière de transports, la politique française soit déterminée par des a priori idéologiques a quelque chose de dérangeant et de contestable.

Ne conviendrait-il pas, plutôt, de réfléchir à ce qui est bon pour la France et les Français ? N’est-il de solution qu’européenne ?

Le gouvernement veut aller vite. Il recourra aux ordonnances si les négociations – ou plutôt les consultations – n’avancent pas dans le sens préalablement défini. Il l’a dit et répété : il faut, avant tout, supprimer le statut de cheminot – seuls les nouveaux recrutés seraient concernés, assure-t-il, pour ne pas jeter de l’huile sur le feu. La réaction des syndicats, qui doivent se réunir en intersyndicale, est prévisible : une grève dure, dont la forme reste à définir, voire la paralysie du pays.

Le gouvernement devait se douter que son annonce ne passerait pas comme une lettre à la poste. Mais il présume que le mouvement de grève sera impopulaire. Les premiers sondages semblent lui donner raison. Diviser pour régner : une vieille recette ! Il est de bon ton de dénigrer les cheminots et leurs privilèges, tout comme de traiter les professeurs de fainéants. Pourquoi peine-t-on à recruter des agents de la SNCF, notamment des conducteurs de train, et des enseignants ? Parce qu’ils passent leur temps à se tourner les pouces ?

Certes, la condition des cheminots a beaucoup changé depuis La Bête humaine de Zola : certains de leurs « acquis », comme disent les syndicalistes, ne se justifient plus. Notamment les départs anticipés à la retraite, même sans travail pénible. Ou encore le bénéfice à vie, pour eux et leur famille, de la gratuité ou de conditions très avantageuses pour voyager en train. Mais, après tout, c’est sur la base de ce statut qu’ils ont choisi ce métier et ont été recrutés. N’est-il pas naturel qu’ils aient envie de résister ?

On rêve d’une société où les corps intermédiaires jouent pleinement leur rôle, on rêve de négociations sans arrière-pensées, fondées sur la recherche d’un compromis, aboutissant à des compensations raisonnables, dont chaque partie pourrait sortir la tête haute. Encore faudrait-il que tous soient guidés par le souci de l’intérêt général. Non par des corporatismes figés, pour les uns, des préjugés économiques et politiques, pour les autres. Non par des relents de lutte des classes ni par une vision technocratique et sans âme de l’économie.

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27 février 2018 à 15:20

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