La réforme du baccalauréat serait bien plus qu’un remaniement technique !

Le cru 2017 du baccalauréat est-il médiocre ? Le taux de réussite aux épreuves du premier groupe a, certes, baissé d’un point par rapport à 2016, mais il faut relativiser : 78,6 % sont reçus et les épreuves de rattrapage permettront à bon nombre des 96.500 candidats ayant obtenu entre 8 et 10 de moyenne de rejoindre les heureux élus.

Le vrai problème – un autre rédacteur de Boulevard Voltaire l’a fort bien montré dans son article intitulé "Quel horizon pour le baccalauréat ?" –, c’est de savoir à quoi sert cet examen : un certificat de fin d’études ou un véritable diplôme d’accès à l’enseignement supérieur ?

Jean-Michel Blanquer a annoncé, dès sa nomination, qu’il était "favorable à un bac musclé" comprenant quatre matières obligatoires à l'examen final, le reste étant évalué en contrôle continu. Le Premier ministre vient de préciser qu’une concertation d’un an sur le baccalauréat sera lancée à la rentrée de septembre, pour une mise en œuvre complète de la réforme en 2021.

Cette réforme n’a pas pour seul objectif de simplifier l’organisation de l’examen ou de faire des économies, il doit aussi mieux préparer à la poursuite d’études et à l’insertion professionnelle. Si le mot tabou de "sélection" n’est pas prononcé, le gouvernement évoque les "prérequis" nécessaires pour entrer à l’université. On comprend que, sur ce terrain miné, le ministre de l’Éducation nationale marche avec précaution.

La concertation, c’est bien ! À condition de ne pas en faire un spectacle d’illusion dont les numéros sont connus d’avance, comme ce fut le cas pour la pseudo-concertation sur la refondation de l’école. Il faut une véritable consultation où l’expérience du terrain ne soit pas réduite au silence par la suffisance des prétendus experts.

Cette réforme du baccalauréat aura nécessairement des conséquences sur l’organisation en amont des enseignements au lycée. Ce doit être l’occasion de favoriser pour tous les élèves, quel que soit leur milieu socio-culturel, l’accès à l’excellence, en fonction de leurs talents et de leurs efforts. L’occasion, aussi, de s’interroger sur les savoirs et les méthodes indispensables aux élèves pour accéder à telle ou telle filière universitaire, avec des chances raisonnables d’y réussir.

Le contrôle continu est porteur de défauts intrinsèques : pressions des élèves, des parents sur les professeurs, interventions du chef d’établissement sur la notation. Sans compter le temps considérable qu’il exige, au détriment de l’enseignement. Suggérons, quitte à passer pour un vieux réac, qu’on en revienne aux compositions trimestrielles, pendant une semaine, comme avant 1968 ! Le progrès se situe souvent dans une tradition revivifiée.

L’autonomie accrue, actuellement dans le vent, produit, qu’on le veuille ou non, des disparités entre les lycées. Il faut que les épreuves terminales communes constituent un socle solide, avec une évaluation indiscutable, si l’on veut éviter que le baccalauréat ne devienne un diplôme dont la valeur dépend de la renommée de l’établissement.

L’objectif ne doit pas être d’instaurer la concurrence – au détriment des familles qui ne peuvent inscrire leurs enfants dans les meilleurs lycées – mais de créer partout des filières d’excellence, des classes de niveau, pour conduire chacun au maximum de ses capacités. Il faut rompre avec la médiocratie et renouer avec la méritocratie : c’est le meilleur moyen de lutter contre les inégalités sociales.

Une réforme du baccalauréat implique beaucoup plus de changements qu’un simple remaniement technique. La façon dont sera conduite la consultation permettra de voir rapidement si le gouvernement a l’intention de rétablir un enseignement efficace et exigeant ou s’il cède, une fois de plus, aux dérives idéologiques et pédagogiques qui ont causé son déclin.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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