Gouverner ne consiste pas seulement à prendre des décisions et à les appliquer. Il faut aussi estimer à l’avance la façon dont les sujets, je veux dire les Français, percevront une mesure. Le gouvernement est comme un médecin. Deux praticiens donnant exactement les mêmes médicaments peuvent avoir des résultats radicalement différents sur un même patient, car le premier, en expliquant mieux, jouira d’un effet placebo que ne possédera pas le second.

Le nouveau pouvoir vient de commettre une bévue monumentale, au point qu’on se demande s’il ne faudrait pas renvoyer tous les conseillers de M. Macron et de M. Philippe. Ponctionner de 60 euros par an 20 millions de personnes dont beaucoup touchent moins de 7.000 euros par an, tout en allégeant l’ISF, semble tout bonnement hallucinant et va faire plonger de 20 points la cote de popularité de notre Président ; il va apparaître comme l’anti-Robin des bois, celui qui vole les pauvres pour donner aux riches.

Contre cette image dévastatrice, aucun contre-feu ne marchera. Les arguments du pouvoir sont, en outre, pitoyables et pétris d’arrogance : la mesure aurait été décidée par M. Hollande, ce qui est complètement faux, ce dernier n’ayant qu’envisagé de diminuer l’APL de ceux qui ont un patrimoine de plus de 30.000 €, ce qui était moralement justifiable à défaut d’être simple à mettre en œuvre (un pur cauchemar bureaucratique !). L’autre argument est tout simplement hallucinant de morgue. Le pouvoir nous assène « Pourquoi vous plaignez vous ? Nous aurions pu supprimer les APL ! » Je traduis : on vous vole de 60 € par an alors que nous aurions pu vous prendre 2.800 €...

Taxer uniformément et faiblement les pauvres est de loin le prélèvement le plus efficace et celui qui rapporte le plus. Il y a un mauvais moment à passer et, une fois les esprits habitués, les récriminations s’estompent, mais la facture est présentée au prochain scrutin, car l’électeur a la mémoire longue. M. Macron partira en 2022 avec un lourd handicap. Au point que sa réélection est déjà compromise.

Après s'être efforcé de dépasser ces premières considérations épidermiques, que peut-on dire ? D’abord, la suppression de l’ISF sauf sur l’immobilier rapportera sans doute de l’argent à terme, car les « riches « reviendront ou resteront en France et ils dépenseront. Il ne s’agit nullement d’un cadeau fiscal, mais d’une mesure de saine gestion. Ensuite, vu le trou dans nos caisses, il faut bien économiser quelque part. Hurler « taxer le voisin et surtout pas moi » est un réflexe logique, mais qui ne nous mène pas loin. La baisse de 5 € rapportera 360 millions par an. Pour atteindre cette somme, il existait un moyen simple qui n’aurait fait bondir personne : décréter qu’on ne peut pas toucher de la CAF plus que ce qu’on verse à son propriétaire. En effet, selon un rapport sénatorial, 30 % des foyers perçoivent plus d’APL que de loyer. Indéfendable ! C’est là qu’il fallait chercher les économies. Et voilà pourquoi M. Macron doit virer tous ses conseillers.

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24 juillet 2017 à 0:36

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