Ramu de Bellescize réagit à la signature du traité d'Aix-la-Chapelle entre la France et l'Allemagne, qui suscite beaucoup de polémiques.

Il évoque la probable saisine du Conseil constitutionnel, en raison de la contradiction de ce traité avec la notion de souveraineté nationale contenue dans la Constitution.


Le traité d’Aix-la-Chapelle suscite beaucoup de polémiques. Ce traité est-il conforme à la Constitution ?

Certains points de ce traité peuvent paraître très graves du point de vue de la Constitution, notamment en matière de souveraineté nationale. Mais tout dépendra de son interprétation.
Ce traité prévoit une convergence des économies franco-allemandes. On ne sait jamais très bien ce que ce mot de convergence veut dire exactement. On le voit très bien avec l’interprétation des traités européens. De la convergence, on va vers l’harmonisation. On a, dans ce traité, la création d’un Comité franco-allemand en matière économique et l’idée d’une culture économique commune. Les directives et les réglementations européennes devraient être renforcées dans la zone franco-allemande.
On y trouve également la réalité d’un échange du personnel diplomatique de la France et de l’Allemagne, au sein de l’ONU et de l’OTAN. Cela peut aller très loin. Dès qu’on touche à la diplomatie, on touche à la souveraineté.
Il prévoit enfin la création d’une assemblée parlementaire franco-allemande qui vient s’ajouter à l’assemblée parlementaire de l’Union européenne.
Sur tous ces points, il y a un véritable potentiel de remise en cause très grave de la souveraineté nationale. Cela justifie bien entendu une saisine du Conseil constitutionnel.

Certains imaginent qu’on pourrait créer un nouveau super-État en alliant la puissance économique de l’Allemagne et la puissance militaire de la France…

Cette interprétation pourrait être la bonne. Je ne l’espère évidemment pas. C’est aussi le problème du droit et des traités. Il y a la lettre et l’interprétation des traités.
Le meilleur exemple est le traité de Rome. Il réservait initialement la majeure partie des compétences aux États. Pourtant, la Cour de justice des communautés européennes, devenue Cour de justice de l’Union européenne, en a fait une autre interprétation. Ce traité s’est finalement transformé en une machine à limiter le pouvoir des États et à remettre en cause leur pouvoir.
Dans ce traité d’Aix-la-Chapelle, certains points peuvent s’avérer redoutables pour les souverainetés étatiques, selon l’interprétation qui en est fait.

Si Emmanuel Macron ne saisit pas le Conseil constitutionnel, qui peut le saisir à sa place ?

Il peut être saisi par 60 députés ou 60 sénateurs, par le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Une saisine serait une première victoire pour montrer la gravité de ce traité. Hélas, à chaque transfert de souveraineté, par ses décisions, le Conseil constitutionnel s’est montré très docile sur ces sujets. Il a pu faire quelques petites réserves, mais il n’a jamais franchi le pas pour mettre clairement en exergue les contradictions des traités avec la notion de souveraineté contenue dans la constitution.
J’ai donc bien peur que malgré une saisine, ce que j’espère tout de même, le Conseil constitutionnel, comme il le fait d’habitude, se réfugie dans des arguties juridiques pour conclure que le traité peut être ratifié.

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24 janvier 2019 à 20:21

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