Face à la crise sociale et politique qui perdure, assistons-nous aussi à une crise de la Ve République ?

Pour Boulevard Voltaire, Ramu de Bellescize analyse la notion de république, qui est d'abord une institution et non une valeur ou un slogan. Il évoque également les enjeux d'une dissolution de l'Assemblée et d'un référendum.

Il y a un mois, on parlait de colère fiscale. Aujourd’hui, c’est une fronde politique. Et demain, une crise de régime, comme si Macron n’était pas le problème, mais plutôt la conséquence d’un régime de plus en plus perçu comme illégitime ou à bout de souffle.
Assistons-nous à une crise des institutions et de la Ve République ?

Je ne crois pas que l’on assiste à une crise de la Ve République. Il y a eu des crises de la Ve République, notamment en 1962 avec l’élection du chef de l’État au suffrage universel. Beaucoup de gens ont contesté à ce moment-là la Ve République. La Ve République est au contraire enracinée mieux que jamais. Ce n’est donc pas la Ve République qui est remise en cause aujourd’hui, mais plutôt le chef de l’État, de sa politique, de son gouvernement et de son obsession à l’assujettissement aux critères de l’Union européenne et au fameux 3 %.


Dans la bouche du président, de son gouvernement et plus largement dans celle de la classe politique, on entend à tout bout de champ parler des Valeurs, avec un grand V, et de la République, avec un grand R. Ce mot est brandi par la classe politique comme une espèce de totem d’immunité.
Quelles sont pour vous les valeurs de la politique ?

Si on remonte à l’origine du mot République, la res publica, le bien public, la chose commune, le bien commun, on s’aperçoit que tout cela est très subjectif. Et tout cela évolue.
Lorsque le Général de Gaulle présente la constitution le 10 septembre 1958, place de la République, il assimile d’une manière très claire la République à la France et la France à l’État. La République, c’est donc la France. Et l’État, c’est la France.
Il n’y a pas d’idée d’une forme de moralisme qu’on donne au mot République. La République, c’est d’abord une institution.
Progressivement, on a eu une dérive de cette idée. La République est devenue davantage une valeur plus qu’une institution. Cette valeur s’est elle-même transformée en espèce de mot ‘’valise’’ et de gigantesque ‘’tiroir’’ qu’on ouvre et qu’on ferme en fonction de ce qu’on veut mettre dedans. Tout ce qu’on met dedans, tout ce qui y est attaché et tout ce qu’on assigne au mot République seraient en quelque sorte sacrés.
En fonction de l’objectif que l’on vise, on va lui assigner le mot de République. Cela ne veut rien dire. C’est un slogan!

On est dans une crise politique assez majeure. A-t-on dans nos institutions les moyens de sortir de cette crise par le haut et dignement en évitant au maximum les débordements ?
Dispose-t-on d’un arsenal suffisant ou a-t-on tout simplement un problème de décisions politiques ?

Je crois qu’il y a essentiellement un problème de décision politique. La contestation vient de réformes que souhaite effectuer le chef de l’État. S’il y a autant de contestations, c’est que ces réformes sont mauvaises ou en tout cas, qu’elles ne plaisent pas à la population française.
Il faut donc se diriger vers une autre politique. Il ne faut pas oublier non plus que cette contestation n’est pas propre à la France. Elle prend des formes différentes dans d’autres États. Par exemple, en Italie, au Royaume-Uni avec le Brexit et aux États-Unis avec la politique du président Trump.


L’opposition envisage une dissolution de l’Assemblée nationale et une cohabitation comme le dernier recours. Selon vous, une dissolution de l’Assemblée nationale et une cohabitation suffiraient-elles à résoudre cette crise ?

Je crois que les institutions joueraient leur rôle. Une dissolution permet au peuple de trancher. On en revient donc aux sources du régime parlementaire. Il est bien entendu possible que cette dissolution débouche sur une confirmation. On ne peut pas savoir s’il sera désavoué. Si c’est le cas, il y aurait une cohabitation. Tout dépendra de la campagne en vue des Législatives.
Une dissolution ne me paraît pas une mauvaise idée. Néanmoins, pour les points les plus importants, notamment le fait de rester ou de sortir de l’Union européenne, je pense que ce n’est pas une dissolution qui doit présider à ce type de décisions, mais un référendum.


Aujourd’hui, c’est vive la République et vive la France. Comme si la République était passée, en termes d’importance, au-dessus de la France. Comme si la France était devenue secondaire par rapport au régime politique qui régit ce pays…

Il y a là quelque chose de très intéressant. On n’assimile plus la République à la France ou à l’État, mais à des valeurs et du droit. Comme s’il existait des valeurs et du droit notamment déterminé par la Cour européenne des droits de l’homme et par des institutions étrangères qui devraient primer sur les intérêts de la France.
Je pense que l’utilisation à tout bout de champ du mot République est aussi une manifestation de cette évolution.

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10 janvier 2019 à 17:54

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