Ramadan 2018 : un très bon bilan pour Daech (et c’est un spécialiste qui le dit)

Jean-Pierre Filiu est un spécialiste incontesté et mondialement reconnu du Moyen-Orient. Il est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris). Il a aussi été professeur invité dans plusieurs universités américaines prestigieuses. Ses travaux sur le monde arabo-musulman sont publiés dans une douzaine de langues.

Le dernier article de son blog « Un si Proche Orient » porte un titre choc : "Le mois de Ramadan où Daech a repris l’offensive". Et ce mois de ramadan, ce n'est pas celui de 2014 où Daech était en pleine expansion, mais bien celui qui se termine : le mois de ramadan 2018.

Le spécialiste rappelle d'abord quelques évidences que nous oublions rapidement en France depuis qu'on nous a dit qu'avec ses défaites en Irak et en Syrie, Daech, c'était fini. Eh bien, non, Daech, ce n'est pas fini.

D'abord, cette réalité avec laquelle il faudra compter :

Le mois de jeûne islamique de Ramadan est, dans la “religion de la terreur” que prône Daech, particulièrement propice à l’action terroriste et au jihad armé.

Ensuite, il rappelle la courte mais sanglante histoire de Daech : le ramadan 2014 qui vit la proclamation du califat et une expansion fulgurante en Syrie et en Irak, le ramadan 2016 où Daech réussit à "frapper au cœur de Bagdad et de Médine, mais aussi en Turquie, aux États-Unis, en France, en Jordanie, au Yémen et au Bangladesh". Quant au ramadan 2017, il fut marqué par une moindre activité terroriste, l'organisation étant acculée à défendre ses fiefs de Raqqa et de Mossoul, qui tombèrent durant l'été.

Or, le chercheur montre, chiffres et dates à l'appui, que, malgré ses revers majeurs, Daech a repris une activité terroriste d'envergure prouvant "au cours de ce Ramadan 2018, du 16 mai au 14 juin, une capacité offensive très inquiétante sur de nombreux théâtres".

Nous devrions en être persuadés, rien que par l'attentat de Liège du 29 mai, mais, comme chez nous, en Europe, tout est fait pour ne maintenir l'alarme que quelques jours avant de l'éteindre par une nouvelle fête (la Coupe du monde), il est bon de regarder les bilans objectifs chiffrés au niveau mondial, avec Jean-Pierre Filiu.

Et cette liste ne peut qu'inquiéter :
- attentat, le 19 mai, "dans une église orthodoxe de Grozny, la capitale de la république russe de Tchétchénie, au cours duquel deux fidèles et un policier ont été tués" ;
- attentats-suicides contre des églises et un commissariat qui ont fait une vingtaine de morts, les 13 et 14 mai, en Indonésie ;
- en Égypte, l'offensive de l'armée égyptienne pour reprendre le contrôle du Sinaï a été un échec ;
- en Libye, "la filiale libyenne de Daech a, entre le 22 mai et le 2 juin, mené une série d’attaques en Cyrénaïque, faisant une douzaine de morts. Elle a ainsi défié le « maréchal » autoproclamé Haftar" ;
- En Afghanistan, Daech a lancé de grandes attaques meurtrières contre des ministères.

Il faut ajouter à cette activité "sur trois continents" la résistance de Daech en Syrie, "où il continue de contrôler un territoire vaste de quelque 6.000 km2, dans le désert central, entre la cité de Palmyre et la vallée de l’Euphrate. [...] Daech dispose en Syrie d’un sanctuaire vers lequel replier ses combattants défaits dans la banlieue de Damas ou l’est du pays. Des échanges de prisonniers, y compris avec le partenaire kurde de la coalition anti-Daech, permettent aux jjihadistes de reconstituer leur base militante, puis leur force de frappe."

Et le chercheur, s'appuyant sur une information du Daily Telegraph, révèle que de tels échanges de prisonniers viennent d'avoir lieu et que "des jjihadistes français pourraient ainsi redevenir actifs au sein de Daech".

Les Français et leur gouvernement ont-ils vraiment pris conscience de l'ampleur du phénomène djihadiste et sont-ils prêts à prendre toutes les mesures qui s'imposeraient s'ils voulaient vraiment l'éradiquer ?

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