Quoique décrié, Serge Dassault était un homme libre et compétent

Il est d’usage de trouver toutes les vertus à une personnalité qui vient de décéder. Serge Dassault, mort d’une crise cardiaque à l’âge de 93 ans, n’y a pas échappé : il a été salué par de nombreux hommages, venus de tous bords, y compris de Manuel Valls, qui fut son adversaire politique, mais éprouve pour lui « de l’estime et de la considération ». Il est vrai qu’il lui a apporté son soutien au second tour des élections législatives.

Quelques médias de gauche n’ont pas manqué, cependant, de rappeler qu’il traînait quelques casseroles, comme Libération, qui titre : "Dassault tiré d’affaires", ce qui est d’un humour pour le moins contestable.

C’est Philippe Poutou, porte-parole du NPA, qui s’est montré le plus violent, se réjouissant presque de sa disparition. Il a tweeté un commentaire impitoyable : « Serge Dassault le milliardaire, une des plus grosses fortunes du pays, enrichi en fabriquant des engins de guerre et de mort, enrichi en exploitant des salarié.e.s (sic), en volant, en trichant, en fraudant, en corrompant (que d’affaires !). » Sa conclusion est du même acabit : « Dassault ce délinquant est mort. Sans regret. »

Singulière épitaphe ! Sans doute croit-il que la violence est propice à sa cause. Mais, comme il emploie l’écriture inclusive, il est tout pardonné.

Le jugement de Marine Le Pen est plus mesuré et beaucoup plus pertinent : "Au-delà des divergences politiques et des critiques légitimes, Serge Dassault aura démontré, en reprenant l’entreprise de son père, qu’il y a une place pour l’industrie en France, et notamment pour une grande industrie militaire indépendante. » Elle souligne une qualité de Serge Dassault que peu de commentateurs ont relevée.

Il se disait « gaulliste » – ce qui n’est guère un critère absolu de respectabilité. Du gaullisme, il a su garder ce qu’il contient de meilleur : la volonté d’indépendance, la méfiance à l’égard d’une Europe supranationale (imaginons de Gaulle disant à Macron : "Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! L'Europe ! L'Europe !").

C’est récemment que Serge Dassault a accepté que Paris et Berlin unissent leurs efforts pour travailler sur le futur avion de combat qui remplacera le Rafale. Mais pas dans le cadre de l’Union européenne, dans le cadre d’Airbus.

Puisqu’on parle de Marine Le Pen, les médias lui ont souvent reproché d’appartenir à une dynastie fondée par son père. On constate, à l’occasion de la mort de Serge Dassault, qu’il y a d’autres dynasties qu’ils n’ont jamais pris la peine de pointer. Comme la famille Debré, à qui on n’a jamais reproché d’avoir un père, qui fut le Premier ministre de Charles de Gaulle. Avec raison. Car seule la compétence peut être objectivement jugée.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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