Une question à Marlène Schiappa : vaut-il mieux taper sa compagne que taper dans la caisse ?

Madame le Ministre,

Vous le savez, puisque le président de la République en a fait une cause nationale, plus de 163.000 femmes en France subissent chaque année des violences physiques. C’est semble-t-il aussi votre cause que, du reste, vous êtes venue défendre en début d’année dans le Vaucluse, à l’occasion du Tour de France de l’Égalité femmes-hommes.

À Carpentras, une femme a osé porter plainte en 2014 contre son compagnon. Son courage est d’autant plus grand que cet homme était – et est encore – le maire de la ville. Il s’agit de Francis Adolphe.

Jugé en première instance, en appel et débouté de son pourvoi en cassation, il est, depuis le 2 mai 2018, définitivement condamné pour violences aggravées à cinq ans d’interdiction de ses droits civiques, civils et familiaux. Ce qui n’est pas rien, vous en conviendrez. Mais le maire parle de "laver son honneur". Condamné définitivement et alors que toutes les voies de recours sont épuisées, il a même osé invoquer sa "présomption d’innocence" et martèle qu’il ne se démettra pas de ses fonctions !

Du côté des femmes siégeant au conseil municipal de Carpentras et à la communauté d’agglomération dont M. Adolphe est le président, c’est un silence assourdissant. Elles sont pourtant dix-huit, au conseil municipal, dont douze de la majorité du maire, dix-neuf au conseil communautaire. Seules les femmes du groupe Front national, auquel j’appartiens, se sont exprimées.

La Justice est passée. Alors, ne croyez-vous pas, Madame le Ministre, qu’il est temps que ces élues se mettent en cohérence avec leur statut de femme, d’élue et de citoyenne. Qu’elles enjoignent le maire d’accepter le jugement et de cesser de se réfugier dans le déni ? De lui demander, tout simplement, de faire preuve de décence ?

M. Adolphe brandit son "honneur" comme un étendard. Mais l’honneur de la victime, qui en parle ? Car si M. Adolphe a été reconnu définitivement coupable, son ex-compagne est donc reconnue comme définitivement victime.

Voter des subventions aux associations de femmes subissant des violences conjugales est une chose. C’est ce que font ces élues locales. Mais cela ne les dédouane pas d’agir quand un cas concret se présente. Si la morale politique a encore un sens dans ce pays, c’est le moment de le montrer.

Le Tour de France de l’Égalité semble oublié, le 8 mars est passé. Ne croyez-vous pas, Madame le Ministre, que le temps n’est plus, pour ces élues, mais aussi pour ces responsables d’associations, de se rendre à des projections de films sur les femmes combatives, comme ce fut le cas récemment à Carpentras, ni de participer à une course à pied solidaire ou encore de se réjouir de la création, par le préfet de Vaucluse, d’un Observatoire des violences faites aux femmes. Un préfet de Vaucluse, représentant de votre gouvernement, qui, pour l’instant, semble ne pas vouloir destituer le maire comme le Code électoral lui commande de faire "immédiatement". Observer, c’est bien. Agir, c’est mieux.

Que pensez-vous, Madame le Ministre, de cette déclaration faite en conférence de presse par Francis Adolphe : "Ce n’est pas comme si j’avais tapé dans la caisse, ces faits reprochés relèvent de la vie privée" ? Doit-on en déduire que « taper dans la caisse » est plus grave que de taper sur sa femme ? Vous conviendrez avec moi, au-delà de nos divergences politiques, qu’aucune femme ne peut accepter des propos aussi scandaleux. Aucune femme, aucun homme non plus.

De toute évidence, cette affaire mérite que vous saisissiez votre collègue, ministre de l’Intérieur. Madame le Ministre, vous ne pouvez pas vous taire sur cette affaire.

Marie Thomas de Maleville
Marie Thomas de Maleville
Conseillère municipale de Carpentras et conseillère départementale du Vaucluse

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