On pourrait penser que Sciences Po Paris est un lieu privilégié de débat, de confrontation d’idées. De jeunes étudiants, triés sur le volet, promis à des responsabilités, ne devraient-ils pas se montrer curieux, rechercher le dialogue, s’interroger ? C’est sans doute, espérons-le, le cas d’une majorité d’entre eux, mais une minorité active voudrait bien imposer son étroitesse de vue, ses préjugés et son sectarisme.

On se souvient de la bronca suscitée par l’entrée, à Sciences Po, d’une association du Front national : on en avait fait tout un plat ! Cette fois, c’est Sens commun, ce mouvement politique issu de la Manif pour tous, qui est visé. Plusieurs organisations étudiantes ont publié un communiqué dénonçant "l’homophobie affichée de ce groupuscule" » et refusant de donner "une plate-forme légitime aux discours homophobes".

Parmi les signataires, des associations syndicales, comme l’UNEF ou Solidaires Étudiant-e-s (écriture inclusive oblige !), politiques, comme La France insoumise et l’Union des étudiants communistes, ou encore féministes, comme le collectif au joli nom de Garces. Ces « progressistes » défendent, bien sûr, la liberté d’opinion mais, comme chacun le sait, "l’homophobie n’est pas une opinion, c’est une oppression et une violence".

Seulement, voilà ! Ceux qui connaissent ce dont ils parlent ou respectent un minimum d’honnêteté intellectuelle savent que la Manif pour tous n’a jamais soutenu de position homophobe : l’accusation d’homophobie relève de ces amalgames qui visent à interdire l’expression d’une pensée non conformiste. Autre version de la formule : « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. » S’opposer au mariage pour tous et à ses conséquences sur la filiation n’est en rien porter un jugement sur les homosexuels : c’est défendre, pour l’enfant, le droit d’avoir un père et une mère.

Sens commun a eu beau jeu d’accuser ces vertueux redresseurs de torts de "vouloir bâillonner la liberté d’expression" et de refuser de "promouvoir un débat riche, respectueux et apaisé". Faudrait-il leur rappeler également qu’en 1968 se côtoyaient, dans le hall de la rue Saint-Guillaume, des stands de tous les mouvements politiques de jeunes, de l’extrême gauche à l’extrême droite ?

Mai 68 est, certes, à l’origine de bien des maux de notre société, mais c’était, à Sciences Po du moins et dans quelques autres universités, un espace de dialogue permanent, une agora où chacun pouvait refaire le monde. Les étudiants d’aujourd’hui qui veulent rejeter Sens commun devraient en prendre de la graine. Craindraient-ils d’être pris en défaut ou de sécher sur des questions qu’ils refusent de se poser ?

Cet ostracisme prononcé par des étudiants qui auront, pour beaucoup, un rôle dirigeant dans l’avenir est une insulte à l’intelligence. Si l’on veut essayer d’approcher la vérité, il faut accepter la confrontation d’idées, ne serait-ce que pour mieux connaître les arguments d’autrui et nuancer ou consolider ses propres convictions. Ces atteintes à la liberté d’expression sont le fait d’esprits qui, consciemment ou non, se régalent de la pensée unique ou, pire, sont prêts à border le lit du totalitarisme.

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07 octobre 2017 à 16:13

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