Il propose des modifications à la marge sans viser le cœur des institutions

Édouard Philippe a présenté son projet de réforme des institutions : celui-ci laisse Guillaume Bernard très dubitatif, qui n'y voit que des réformes cosmétiques, favorisant les partis n'ayant pas d'enracinement local… comme En Marche !

Édouard Philippe vient d’annoncer un projet de réformes des institutions de la Ve République. Qu’avez-vous pensé de la déclaration du Premier ministre ?

Pardon pour cette expression un peu familière, mais je pense sincèrement que les hommes politiques sont toujours à côté de la plaque.
Il propose un certain nombre de modifications à la marge, sans viser le cœur de la question et des institutions. Je n’ai, par exemple, rien entendu sur deux choses absolument fondamentales : le référendum d’initiative populaire et la remise, dans un cadre constitutionnel normal, du pouvoir du Conseil constitutionnel.
On est dans un certain nombre de mesures cosmétiques qui ne me semblent pas de bon aloi.

Deux mesures ont attiré les regards : l’introduction de 15 % de proportionnelle dans les deux assemblées et la réduction de 30 % des parlementaires. Qu’en pensez-vous ?

C’est une mesure parfaitement symbolique et cosmétique qui ne changera rien à la réalité de la représentation. Cela permettra, simplement, à certains partis politiques d’avoir quelques élus en plus, mais ne donnera pas des assemblées plus représentatives de la nation et de la volonté générale.
Si on veut obtenir une véritable réforme politique en profondeur pour favoriser l’émergence et la représentation des courants d’idées, il y a deux solutions possibles : soit une proportionnelle intégrale, soit le scrutin majoritaire uninominal à un tour.
Dans le premier cas, pour éviter l’instabilité politique, il faut un mécanisme de défiance constructive qui empêche une majorité d’oppositions incapables de gouverner ensemble de renverser le gouvernement.
La seconde solution du scrutin majoritaire uninominal à un seul tour, qui a ma préférence, oblige les partis politiques à se rassembler en véritables grands courants. Les petites combines politiques entre partis qui consistent à se désister en la faveur de l’un ou de s’associer à l’autre pour constituer une majorité sont ainsi très limitées par le mode de scrutin. Cela oblige aussi à la recomposition du paysage politique. Nous étions deux à préférer ce mode de scrutin : Michel Debré et moi. Aujourd’hui, je suis tout seul à le défendre et je me sens un peu seul.

Au-delà de la réduction des dépenses publiques, y aurait-il une volonté plus politique dans cette réduction du nombre d’élus ?

On diminuerait le nombre d’élus et donc les dépenses ? Ce n’est pas du tout certain. On peut très bien avoir la même quantité de dépenses en affectant simplement un peu plus d’argent à chacun des élus.
Je retiens surtout que la réduction du nombre d’élus va, de fait, élargir les circonscriptions et éloigner les élus de leurs électeurs. Je crois que cela est une très mauvaise idée lorsqu’on veut essayer d’avoir un personnel politique enraciné et proche de ses électeurs.
Notons qu’en France, nous n’avons pas de mandat impératif, mais un mandat représentatif. Cela veut dire que les élus ne sont pas tenus de voter conformément à leurs promesses électorales. La formule est bien connue : les promesses électorales n’engagent que ceux qui les écoutent, c’est-à-dire les électeurs.
Si, en plus, nous avons des élus désignés dans de plus grandes circonscriptions, cela favorisera les partis n’ayant pas d’enracinement local - au hasard : En Marche ! D’autre part, cela favorisera également les partis politiques et empêchera, ainsi, des candidats d’être élus grâce à leur enracinement local, à leur charisme personnel, leur action sur le terrain qui permet de révéler et de réaliser le bien commun.
C’est la raison pour laquelle je suis extrêmement dubitatif quant à l’ensemble des mesures proposées par le gouvernement pour la réforme constitutionnelle et politique.

Guillaume Bernard
Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

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