Populisme et France périphérique : Christophe Guilluy a raison

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Dans un article récent, notre ami Jean Dutreuil écrivait dans ces colonnes que les analyses de Christophe Guilluy n’étaient pas pertinentes. Il en voulait pour preuve le score obtenu par Macron à Béziers, une ville de la « France périphérique » dans laquelle ce dernier a obtenu 17,56 % des voix au premier tour (Marine Le Pen : 31,23 %) et 52,69 % au second (Marine Le Pen : 47,31 %).

Ces chiffres illustrent parfaitement la théorie de Guilluy, lequel n’a jamais dit que la « France périphérique » votait à 100 % pour les « populistes » mais que c’est dans cette partie du pays, dans laquelle vivent 60 % des Français, dont les moins riches et les vrais pauvres, que monte en puissance l’idée de la trahison des « élites », laquelle est la seule idée que partagent tous les mouvements dits « populistes ».

Le sondage réalisé à la sortie des urnes lors du deuxième tour de la présidentielle de 2017 par Ipsos indique que les corrélations entre, d’une part, les bas salaires et les régions « périphériques » et, d’autre part, le vote en faveur de Marine Le Pen sont fortes. Ainsi, 25 % des électeurs gagnant plus de 3.000 euros par mois mais 45 % de ceux qui gagnent moins de 1.250 euros par mois ont voté pour Marine Le Pen. De même, 19 % de ceux qui ont un niveau de formation supérieur à bac +3, mais 45 % de ceux qui ont un niveau de formation inférieur au bac ont voté pour la candidate du FN. 21 % des Français qui disent vivre confortablement mais 69 % de ceux qui disent avoir du mal à joindre les deux bouts ont voté pour cette dernière. 18 % des cadres mais 56 % des ouvriers ont fait de même, tout comme 28 % des habitants des grandes agglomérations (beaucoup moins dans les centres de ces agglomérations) mais 43 % des ruraux. En Ille-et-Vilaine, par exemple, 88 % des habitants du centre très boboïsé de Rennes ont voté pour Macron, mais Marine Le Pen a fait des scores dépassant parfois 40 % dans les zones rurales situées à plus de trente kilomètres du centre de la métropole. Tous ces chiffres corroborent l’analyse de Guilluy.

Jean Dutreuil voulait montrer que le vote « populiste » résulte non pas de causes socio-économiques mais essentiellement de causes ethnoculturelles. En fait, à l’origine du phénomène « populiste », il y a plusieurs causes : socio-économiques (le sentiment, fondé, que la redistribution profite d’abord aux immigrés, par exemple), ethnoculturelles (la difficulté de vivre avec des populations aux mœurs et aux cultures différentes et le sentiment très majoritaire que nous ne sommes plus chez nous, par exemple) et biologiques (le sentiment d’appartenance communautaire, lequel se traduit par de la méfiance à l’égard des étrangers, est universel, comme l’avait remarqué Claude Lévi-Strauss, lequel a écrit que les conflits qui peuvent en résulter sont le prix à payer pour maintenir la diversité au sein de l’humanité). L’entomologiste Edward Wilson, qui a consacré sa vie aux recherches sur les animaux sociaux, a mis en évidence le fait qu’une pression de sélection prédominante tendant au renforcement de la solidarité interne des communautés humaines s’est exercée sur celles-ci au cours des dernières centaines de milliers d’années ; elle est à l’origine de notre puissant sentiment d’appartenance à une communauté distincte. Les travaux de recherche concernant certaines hormones aboutissent à la conclusion que notre comportement est très largement conditionné par celles-ci. Le comportement d’attachement, le lien social, la préférence pour son groupe d’appartenance et la méfiance à l’égard des étrangers ne sont pas tant d’origine culturelle, comme l’affirme l’idéologie dominante, qu’hormonale.

Un dernier point. Les membres des classes privilégiées sont, en général, sous l’influence des enseignants pendant beaucoup plus longtemps que ceux des classes populaires ; ils sont donc plus marqués par l’idéologie libérale-libertaire que le reste de la population. Il y a là un effet culturel et mimétique auquel les classes populaires, qui sont à l’écart, échappent en partie. Cela dit, les classes socialement supérieures pratiquent un séparatisme discret qui consiste à s’isoler dans des zones inaccessibles aux populations immigrées du fait de la cherté de l’habitat, tout en récitant le bréviaire des droits-de-l’homme et en dénonçant le « white flight », la fuite vers la « France périphérique » des autochtones qui n’ont pas les moyens de vivre dans le centre des métropoles. Hypocrisie, quand tu nous tiens !

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