Polyamour : la quantité ou la qualité ?

Combien de fois aurons-nous entendu les défenseurs du mariage pour tous blâmer leurs détracteurs dès qu’ils évoquaient la polygamie ou l’inceste ? Plusieurs en ont fait les frais, dont le cardinal Barbarin. Il faut dire qu’extraire la phrase de tout contexte a l’avantage de caricaturer à elle seule le débat. Cela donne aussi le fâcheux avantage de masquer la mécanique et la logique inhérente au mariage gay pour se concentrer sur la partie émergée du mariage : on s’aime, donc on a « le droit » de se marier.

Cette logique d’un droit à se marier, qu’on soit couple homosexuel ou hétérosexuel, résiste pourtant assez peu à elle-même. Nous le disions déjà à l’époque. Quand le mariage s’inscrivait dans la logique d’un amour potentiellement fécond entre un homme et une femme, on créait alors un environnement sécurisé pour la femme d’une part, mais aussi et surtout pour les enfants issus de l’union d'autre part. On voyait mal ce que l’attirance et le sentiment entre des personnes de même sexe pouvaient y changer. Le mariage avait un rôle social, car il créait un tissu et une stabilité bénéfique à la société. Déjà le divorce venait fragiliser grandement cette stabilité (qui n’existe qu’une fois sur deux depuis). Mais la création d’un mariage gay, s’appuyant sur un droit au mariage à tous ceux qui disent s’aimer, n’est pas sans conséquence.

Moins de cinq ans après, nous avons droit aux informations suggestives de France Culture à propos d’un « polyamour ». On s’amusera d’un énième néologisme des supposés progressistes, qui fait écho au « trouple » (le « couple à trois ») dont on nous a déjà servi la propagande. On s’étonnera, par contre, que la polygamie ne soit nullement évoquée, trop caricaturale sans doute, celle-là même qui discréditait à première vue les détracteurs du mariage gay. On comprend pourtant mal en quoi la polygamie serait moins respectable que le polyamour.

Écoutons la petite leçon que nous prodigue le service supposé public : « [Le polyamour] n’est pas l’apologie de l’échangisme ni du libertinage, mais une conception du couple ouverte, basée sur la communication, la tolérance et le respect du désir de l’autre."

On appréciera l’évocation sous-jacente qu’un couple « hétéronormé » soit basé sur une conception fermée, basée sur le tire-la-tronche, l’intolérance et le mépris de l’autre. Mais poursuivons : "Cette conception de l'amour multiple […] part d’un double constat : une personne, quelle que soit la puissance des sentiments que nous pouvons ressentir à son égard, ne peut pas nous appartenir. Elle est libre, à l’image de son désir, protéiforme, vivant, qui se manifeste lorsque nous passons d’agréables moments en sa compagnie. Et tous les désirs que nous ressentons […] ne peuvent pas être comblés par une seule personne. Penser le contraire, c’est l’enfermer dans un rôle mortifère qui n’est pas plus réalisable pour lui que pour moi […] »

Nous y voilà donc : une personne seule ne vous comblera jamais et (espèce de salaud !) elle ne vous appartient pas. Idiots étaient-ils, ces couples gay qui exigeaient le mariage ! C’est une lubbie « mortifère ». Moi qui comprenais mal comment on pouvait, une fois la dualité homme/femme exclue de la précieuse union, se contenter d’une union à deux personnes, je ne m’étonne pas qu’on s’intéresse désormais à ceux qui veulent s’unir à trois ou davantage. Je les laisse maîtres de la qualité de leur amour sans failles, mouvant et protéiforme, supposé plénier, soi-disant sans tâches ni rivalités.

Décidément, aimer et vouloir aimer une personne unique, toute sa vie, bien qu’elle soit limitée (comme chacun de nous) et se donner à elle pleinement, sans condition, aux jours de désir comme aux jours de fadeur, est plus que jamais un acte révolutionnaire.

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