Rêve de grandeur ou geste attentionné ? Monsieur Macron a répondu en français (contrairement à certaines erreurs circulant sur le Net) et sous forme poétique à un joli poème sur la tour Eiffel composé par Sophie, une Britannique de 13 ans.

La jeune fille avait fait parvenir son poème au palais de l’Élysée en avril 2017, sous la présidence de monsieur Hollande. Il eût donc été plus logique que le précédent Président y répondît. Toutefois, l’on peut considérer que monsieur Macron a estimé qu’il était du devoir du président de la République française, quel qu’il fût, de produire une réponse officielle.

Cette attention est tout à son honneur.

Comparons les deux poèmes. Le titre choisi par Sophie est « Centre of attention » : « Le centre de l’attention ». La jeune Britannique y décrit la tour Eiffel comme une belle dame fière, élégante, centre d’attention de tous les passants, incomparable (ce sont les derniers mots du poème : "She is second to none"). Cet écrit est touchant car il concentre l’attention sur le monument historique, décrit de manière positive et lumineuse.

Lisons l’œuvre de notre Président, maintenant.

Alors que la jeune Britannique avait commis une humble description, sans jamais donner ni son nom ni celui du Président, monsieur Macron commet un dialogue entre Sophie et la tour Eiffel, désignée comme une "géante" dans un ciel nocturne : le monument est ensuite décrit comme un "monstre", un "dragon"… On cherche les désignations lumineusement positives, équivalentes à la personnification composée par Sophie... On trouve à peine l’évocation d’une "fée", mais cette image convenue n’avait pas été employée par notre talentueuse poétesse, puis celle d'un « immense flambeau », qui semble davantage rappeler que nous organiserons les Jeux olympiques de 2024 qu’évoquer, par exemple, le phare d'Alexandrie.

Jouant toujours sur les images les plus conventionnelles, comme le font souvent les poètes en herbe de nos collèges, en évoquant l’idée que Sophie, de retour chez elle, pourra "prendre à [s]on tour la plume et conter" cette rencontre, la chute du poème prend la forme d'un véritable culte de la personnalité : "- Oh, moi j'en connais un qui lira ton cantique » / « - C'est ? » « - Monsieur le Président de la République." Outre que monsieur Macron joue sur le stéréotype que la jeune Britannique sera tout émue de ce que le président de la République française en personne lui compose un poème, il renforce ce stéréotype par les derniers mots de son texte qui valorisent sa fonction jusqu’à l’hyperbole, faisant rimer (faut-il en rire ou en pleurer ?) "président de la République" et "cantique" !

Un dernier détail paraît déplacé : le message accompagnant l’annonce de cette réponse sur la page Twitter de l’ambassade française de Grande-Bretagne indique que Sophie "a écrit un poème à Emmanuel Macron au sujet de la tour Eiffel", ce qui est faux puisque, en avril 2017, le Président était François Hollande.

Faudra-t-il s’attendre désormais à ce qu’une statue monumentale d’Emmanuel Macron soit érigée en plein Paris ? Certes, Macrobe rappelle, dans son Commentaire du Songe de Scipion , qu'un homme politique contemplatif tourné vers la spiritualité peut atteindre au faîte de la renommée et au plaisir éternel dans l’au-delà. Mais Macrobe précise aussi que, pour y parvenir, cet homme politique se doit de commettre des "actions nobles et grandes", pour "le salut de la patrie", non pour sa propre glorification dans le monde…

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04 novembre 2017 à 14:37

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