« Avancez vers l’arrière (ou vers le fond), s’il vous plaît ! » Tout le monde connaît cette injonction du conducteur de bus aux passagers moutonniers, reprise par le philosophe polonais Kołakowski pour dénoncer le marxisme. Les États généraux de la bioéthique sont clos. La Manif pour tous a remis son rapport de 400 pages au CCNE. Avec l’ouverture possible de la PMA pour toutes, nous avons ouvert la fenêtre d’Overton sur un retour en arrière possible du privilège, du machisme, du tabou.

Le privilège est une loi privée. L’ouverture de la PMA pour toutes serait le retour au privilège de la naissance, en raison de l’anonymat du don de gamètes, en France, depuis 1994. Un retour au secret des familles bourgeoises d’autrefois et des enfants « adultérins ». Mais un secret encadré et institutionnalisé. Un droit verrouillé en vertu de "la sauvegarde de l’équilibre des familles et du risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation", comme le dit l’arrêt du 12 novembre 2015 du Conseil d’État, déboutant l’avocat Audrey Kermalvezen (35 ans) de sa demande d’accès à sa filiation, arrêt qui confortait, en cela, la loi de bioéthique du 7 juillet 2011.

Ce serait aussi le retour en force du machisme. Une femme enceinte, ça se voit. Un homme qui donne ses gamètes en solitaire, ça ne se voit pas. À ce nouveau machisme, comment notre secrétaire d'État à l’Égalité entre les femmes et les hommes n’est-elle pas sensible ? À l’ère de la transparence pour tout, qui ne voit le voile jeté, à la naissance, par la loi, sur la filiation ?

Depuis cinq ans, on intoxique les esprits par une nouvelle idéologie : la création d’une nouvelle humanité grâce à un type nouveau de famille. Rien n’est plus révélateur, à cet égard, que le novlangue des enquêtes de bioéthique. On parle de « changement de paradigme », de « la dérégulation de l’anthropologie », de la maternité devenue « un en-soi clos sur lui-même », de « la forclusion du père » lacanienne. Ou encore de la privation d’une "mémoire génétique". On se sent obligé de donner des réponses « scientifiques. » On sent la peur d’être dénoncé, encore et toujours, comme réactionnaire ou/et homophobe. La famille naturelle serait presque devenue un tabou. Rien, en revanche, dans les réponses, sur l’anonymat du don de sperme et de gamètes. On a accepté, d’entrée de jeu, ce « donné » de la faisabilité de l’être humain, au prix d’une acrobatie impensable : sémantique et morale, juridique et médicale. Notre société, en route vers le progrès ? Vraiment ?

Notre horizon est bien celui de la fenêtre d’Overton, du nom de son auteur. Cette fenêtre est une technique de manipulation des idées et du discours, utilisée dans une démocratie afin de légaliser n’importe quoi, en s’appuyant sur la science, les médias, les lobbies, les groupes de pression. On lève un tabou par la parole, on le fait passer de l’impensable et de l’indicible à l’acceptable, au sensé, au désirable, au populaire, au politique. La fenêtre d’Overton a été ouverte, non en levant le tabou de l’homosexualité mais celui d’une filiation inédite. Comment ? En faisant croire au peuple qu’il est, encore et toujours, homophobe (tabou) s’il refuse ce droit. Et, comme dit la doxa : « C’est le politique qui tranchera. » Sauf que ce qui est déraisonnable n’est pas un tabou à lever : c’est une idéologie qui prospère sur un marché et manipule les esprits. Tout aura, forcément, une fin. Se diffusent, en effet, de plus en plus, des pétitions pour demander la levée de l’anonymat des dons de gamètes, et sont rendus publics les procès, de plus en plus nombreux, des adultes qui n’acceptent pas, comme l’avocat Audrey Kermalvezen, cette nouvelle paix des familles que leur impose la Justice à l’ancienne.

De la forteresse du CCNE a filtré le secret de Polichinelle qu’il n’y a pas de consensus sur la question de la PMA de quoi dépend l’avis présidentiel d’inscrire la loi au programme législatif. Les résultats de la consultation ont été repoussés en septembre. Si on ouvrait la PMA, il serait impossible, juridiquement, d’empêcher la GPA.

On parle aussi bien du « progrès d’une civilisation » que du "progrès d’un incendie". Le temps est précieux. Car la conséquence immédiate de la fenêtre d’Overton est de fracturer la société de manière irréversible. A-t-on vraiment besoin de cela ?

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28 juin 2018 à 19:05

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