Il s’en est fallu de peu (quelques mois seulement) pour que le palmarès des Molière, édition 2018, ne soit bouleversé de fond en comble. En effet, c’est Blanche Gardin qui, en mai dernier, a raflé la statuette de l’humour drôle qui fait rigoler. Si l’on refaisait le match, c’est probablement Pierre Moscovici qui décrocherait, aujourd’hui, la timbale, dans une catégorie demeurant encore à créer : celle du meilleur fantaisiste francophone d’origine roumaine.

Il y a, évidemment, le sketch dit « de la chaussure », coréalisé avec son acolyte italien, le député de la Ligue Angelo Ciocca, qui s’est essuyé la godasse made in Italy sur les recommandations budgétaires du commissaire européen ; Pierre Moscovici, donc. Lequel, jamais avare d’une bonne repartie – à côté, Jean Roucas, c’est Alain Badiou –, a aussitôt tweeté : "L’épisode de la “chaussure made in Italy” est grotesque. Au début on sourit et on banalise parce que c’est ridicule, puis on s’habitue à une sourde violence symbolique, et un jour on se réveille avec le fascisme. Restons vigilants ! La démocratie est un trésor fragile." À leur grande époque, les Inconnus n’auraient pas mieux dit.

À propos d’humour du siècle dernier, celui de ce démocrate offensé ne nous rajeunit guère. À l’époque, on a tous plus ou moins subi des professeurs en sandales et chaussettes, avec costards en Tergal achetés à la CAMIF, qui nous mettaient en garde contre le « fascisme mou » de Valéry Giscard d’Estaing, que tout ça commençait par un contrôle d’identité au faciès dans le métro et qu’immanquablement, on se réveillait le lendemain à Treblinka. Alors que la reformation des Beatles tarde encore à venir, Pierre Moscovici se lance donc dans une tournée d’adieu du PSU. Après la scène de Bruxelles, celle de l’Olympia ?

En attendant, l’homme rode son spectacle. À propos de l’élection de Jair Bolsonaro, au Brésil, il croque ce dernier "démocrate illibéral". Pourquoi "démocrate" ? "Parce qu’il arrive au pouvoir par les urnes", ce qui est, avouons-le, finement observé. Pourquoi "illibéral" ? "Parce qu’une fois les démocrates illibéraux arrivés au pouvoir, ils ont du mal à le rendre." Là, Moscovici se dépasse. Penserait-il à Vladimir Poutine ou à Recep Erdoğan ? Probable, tant il est vrai que ces deux hommes ont le mauvais goût de se faire réélire à chaque scrutin. De deux choses l’une : ou les Russes et les Turcs sont masochistes, ou ils votent mal, à l’instar de nos voisins transalpins, dont un autre comique européen, le commissaire prussien Günther Oettinger, affirme : "Les marchés vont apprendre aux Italiens à bien voter" - sortie hautement désopilante, on en conviendra.

Comme tous les grands artistes, Pierre Moscovici est au-dessus de ces basses considérations : commissaire européen aux Affaires économiques et financières, il ne tient pas son pouvoir du suffrage universel mais de la simple cooptation entre élites non élues – un peu comme au Politburo de la défunte URSS –, pouvoir qu’il n’entendrait d’ailleurs pas, aux dernières nouvelles, rendre dans les mois à venir. Et ce fin connaisseur en démocratie représentative d’assurer, histoire que son spectacle se finisse en forme de feu d’artifice : "C’est une tendance mondiale qui voit les démocraties libérales reculer [les « bonnes » démocraties, donc, et pas les « mauvaises » démocraties « illibérales », NDLR]. » Ce qui serait le signe d’une "fatigue démocratique". Amuseur public et médecin à la fois ? Cet homme a décidément tous les talents.

En guise de rappel, cette médication : "Il faut se retrousser les manches et s’attaquer aux inégalités qui font mal, qui font mal au peuple et le conduisent dans des choix qui sont dangereux à terme." Bref, mettre en œuvre tout ce qu’il n’a pas fait lorsqu’il était ministre de l’Économie et des Finances, sous le règne de François Hollande le Grand. Soit l’époque où notre déficit public avait atteint 4,3 %, loin devant les 2,4 % prévus par l’actuel gouvernement italien, tel que l’a cruellement rappelé Marine Le Pen. Ce Pierre Moscovici est décidément impayable.

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31 octobre 2018 à 20:24

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