Pierre Moscovici a peur. L’ancien ministre socialiste, ex-éléphant du PS, désormais commissaire européen chargé des affaires économiques, s’exprime dans Le Figaro. Ce dont il a peur, c’est du populisme et du nationalisme qui monte en Europe. Comme on le comprend !

Il y a encore quelques années, il était possible, entre gens bien élevés, de discuter calmement de la question européenne et de confronter ses points de vue. De la nuance au désaccord fondamental, la question restait ouverte et, surtout, autorisée. Pour ou contre l’euro ? Pour ou contre une plus grande intégration ? Faut-il réduire les pouvoirs de la Commission ou, au contraire, les élargir ? Ces questions, parmi tant d’autres, étaient au cœur de conversations parfois animées jusqu’au référendum de 2005. Lorsque les Français ont voté « non », le pouvoir et la presse se sont cabrés. Pas question de remettre en cause un dogme intangible.

Nicolas Sarkozy a dégainé le premier en faisant voter le traité de Lisbonne par le Parlement, en s’asseyant sur la volonté populaire. Il l’a payé cher. Quelques années plus tard, Jean-Claude Juncker déclarait qu’il n’existait pas de légitimité démocratique à l’encontre des traités européens, enterrant de facto la notion de souveraineté du peuple. Et ces gens-là voudraient que les peuples leur répondent « amen » ?

Ce que Pierre Moscovici appelle populisme, c’est simplement l’expression démocratique la plus banale. Le refus par les peuples, ou par une part grandissante de ceux-ci, d’un système qui bafoue sans vergogne leurs identités, leurs droits, leur souveraineté, leur histoire et leur droit de disposer d’eux-mêmes, rappelé à temps et à contretemps depuis le XIXe siècle. Ce qu’il exprime, en bon responsable d’un système technocratique, c’est le profond mépris que lui inspirent ces gens dont il s’est réclamé des années durant en se faisant élire sous l’étiquette socialiste.

En réalité, l’Union européenne n’est pas morte, mais gravement blessée. Blessée par la crise de confiance de ses habitants ; blessée par la folle politique de Bruxelles qui impose, chaque année,, des contraintes et des normes dont les citoyens ne veulent plus ; blessée par l’arrogance des doctrinaires du fédéralisme ; blessée par l’invasion migratoire qu’elle encourage parce qu’elle est favorable à la dissolution des identités et pour de basses raisons économiques ; blessée par la révolte des nations d’Europe centrale, de l’Est et maintenant du Sud, qui portent au pouvoir des dirigeants eurosceptiques. Ne parlons pas du Brexit, les Anglais ont toujours regardé vers le grand large…

Moscovici et consorts en ont-ils conscience ? C’est possible, et cela les désole. Ils savent, alors, que le vote des nations les condamne à terme. Mais peut-être qu’au contraire, enfermés dans leurs certitudes, à l’image de ces dictateurs déconnectés de la réalité, ils ne comprennent pas qu’ils ne tiennent que grâce à la majorité relative des nations qui, encore anesthésiées, répugnent à se soulever contre leurs abus d’autorité. Jusqu’au jour où l’édifice craque et s’effondre d’un coup, comme ce bloc de l’Est qui nous faisait si peur et qui s’est désintégré en quelques semaines.

Moscovici a peur ? Nous aussi. Nous avons peur d’une technostructure dotée de tous les attributs d’une dictature exercée en douceur. Nous avons peur que l’écroulement de l’édifice n’entraîne avec lui ce que le rassemblement des peuples européens a de positif. Et que les peuples, entre nations ou au sein d’entre elles, réveillent leurs vieux démons. Ce n’est, certes, pas en donnant un tour supplémentaire au couvercle de la Cocotte-Minute® que cette révolte sera maîtrisée. Ni en proclamant qu’il faut aller plus loin, faire plus et continuer à mépriser les européens.

Manifestement, être commissaire à Bruxelles ne prédispose pas à comprendre ces évidences.

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15 septembre 2018 à 9:44

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