Philippe de Villiers et Emmanuel Macron : questions sur une étrange dévotion

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C'est LE sujet tabou à droite en ce moment : qu'est-il arrivé à Philippe de Villiers, l'homme des valeurs, l'inflexible enraciné tonnant contre l'Europe passoire et l'islamisation, pour qu'il réitère de façon appuyée son soutien à Emmanuel Macron ? En effet, cette semaine, il a de nouveau reçu, sur ses terres vendéennes, le chef de l'État et il a renouvelé photos et déclarations en sa faveur. Jusqu'à l'excès, jusqu'au malaise.

Chaque fois que vous venez en Vendée, ça vous porte bonheur, après. C’est un bonheur, pour nous, de savoir que, pour vous, c’est un porte-bonheur. Merci d’être venu.

Surtout dans le contexte très particulier de ce 13 juin marqué par la continuation de la grève à la SNCF et les déclarations cash du Président sur le « pognon de dingue » des aides sociales. Deux occasions, pour Philippe de Villiers, de soutenir totalement Emmanuel Macron :

Monsieur le Président, vous êtes courageux, sur l’affaire de la SNCF. [...] Pardon pour la SNCF, mais ici, il n’y a pas l’esprit cheminot.

Les journalistes m’ont demandé : « Vous êtes choqués ? » Pas du tout. Au contraire, il parle comme il faut parler.

Que le chef d'entreprise salue les réformes libérales du Président Macron peut se comprendre. On pourrait tout de même ergoter qu'un Président n'est pas obligé de parler comme Sarkozy, que ce que l'on reprochait à l'un est tout aussi déplacé chez l'autre, et que l'esprit cheminot, malgré ses limites, fait partie de l'Histoire de France, et qu'il a droit au respect, comme l'esprit vendéen.

Mais le plus gênant, c'est qu'on appréciait Philippe de Villiers pour autre chose que son libéralisme. Tresser des lauriers à Emmanuel Macron parce qu'il est un Juppé un peu plus « droit dans ses bottes », c'est un peu court. Philippe de Villiers est une icône à droite pour sa défense sincère et tenace des valeurs de la famille et de la nation. Et c'est là que le doute devient abyssal. Car, en ce 13 juin, trois autres sujets mettaient le cœur du villiérisme sous les feux de l'actualité. Et sur ces trois sujets, un homme de droite villiériste ne saurait trouver M. Macron « courageux ».

Il y avait d'abord l'affaire de la PMA qui avance à travers le rapport biaisé du CCNE, de façon à permettre au Président d'honorer sa promesse de campagne d'élargir la PMA à toutes les femmes, sans raison médicale, et de créer une PMA sans père.

Il y avait ensuite l'affaire de l'Aquarius dans laquelle Emmanuel Macron s'est surtout fait remarquer pour son attaque déplacée de l'Italie qui prenait enfin une décision « villiériste ».

Il y avait enfin l'affaire brûlante de Médine au Bataclan, sur laquelle M. Macron n'a pas pris position, laissant son Premier ministre défendre le rappeur proche des islamistes.

Tout cela n'incitait-il pas à un soutien un peu plus mesuré ?

Surtout quand Bruno Roger-Petit, porte-parole de l’Élysée, déclare : "Entre Philippe de Villiers et Emmanuel Macron, il y a le partage d’une certaine idée de la France."

C’est un ami, confie Philippe de Villiers, on se parle toutes les semaines, je peux l’appeler sur les sujets qui me tiennent à cœur. Je comprends que ça puisse vous paraître étonnant mais ça en dit long sur sa personnalité. Ce n’est pas un homme sous influence.

Je ne sais si Philippe de Villiers a appelé le Président pour parler PMA, Aquarius ou Médine, mais ce qui est sûr, c'est que sur ces trois sujets capitaux de la destruction de la famille, de l'immigration et de l'islamisation de la France, Emmanuel Macron est sous influence. Et ce n'est pas celle de Philippe de Villiers.

Alors quelles raisons peuvent bien pousser l'homme des valeurs à une telle adhésion ? Le dépit d'un grand blessé de la vie politique, déçu des ingratitudes d'un Chirac ou d'un Sarkozy, et qui craque pour un habile Président qui lui témoigne enfin - de manière opportuniste - de la considération ? C'est humain. Mais compromettre ainsi son capital, qui n'est plus politique mais moral, pour des raisons simplement économiques ou d'autres, plus personnelles, qui nous échappent, laisse songeur.

Quand le macronisme s'effondrera (et pas forcément dans dix ans), il emportera avec lui tous ceux qui lui auront apporté leur caution, discréditant ainsi le courant qu'ils représentaient, et les Français se tourneront vers ceux qui en auront le mieux dénoncé les ambiguïtés.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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