La polémique enfle à propos des anciens soldats du IIIe Reich qui continuent de percevoir des pensions du gouvernement allemand. Selon le ministère du Travail d’outre-Rhin, ils seraient exactement 2.033, à travers le monde, à bénéficier de versements mensuels pouvant aller jusqu’à 1.300 euros. Parmi eux, deux cent cinquante vivent aux États-Unis, cent quatre-vingt-quatre en Slovénie, cent vingt et un au Canada, cent un en Autriche, quatre-vingt-quatorze en République tchèque, soixante et onze en Croatie, etc. En France, ils sont cinquante-quatre ; dix-huit en Belgique, qui a pris, le 21 février, une résolution mettre fin à ce système de pensions.

Qui sont les personnes concernées ? De qui et de quoi parle-t-on ? Des vrais collaborateurs qui professent encore les idées nationales-socialistes, cultivent la mémoire et les conceptions mortifères d’Adolf Hitler et qui ne renient rien de leur passé, de leurs actions avouées, tues ou inconnues ? Dans l’affirmative, il convient de tout mettre en œuvre pour leur couper les vivres. L’âge de ces personnes, qui doit avoisiner 90 ans, n’excuse en rien les crimes commis ou la collaboration avérée. Dans la négative, comment s’assurer de la sincérité de la repentance de ces anciens collaborateurs du régime nazi ?

La question devient encore plus délicate pour les personnes incorporées de force dans la Wehrmacht, la Kriegsmarine, la Luftwaffe ou la Schutzstaffel (la « SS »), ce que le procès de Nuremberg a ouvertement et fermement condamné. Les malgré-nous, puisqu’il s’agit principalement d’eux, n’ont pas à subir une double peine : d’une part, être jetés en pâture médiatique et historique et, d’autre part, être financièrement sanctionnés alors que leur droit à pension a été reconnu. En effet, la mémoire collective a ainsi oublié, un peu trop vite, que les Alsaciens et Mosellans « malgré-nous » bénéficient, au nom de la réconciliation franco-allemande, des mêmes droits que les combattants ayant servi dans l’armée française*. Il en a été de même pendant la Première Guerre mondiale. C’était le combat d’un des leurs, René Habay (1925-2017), officier de l’ordre national du Mérite et titulaire de la croix du combattant au titre de la guerre 39/45.

Par ailleurs, certains politiques peu au fait de l’Histoire ont bien des pudeurs de jeunes filles. Ont-ils oublié combien de vrais nazis ont été recyclés par les grandes puissances au sortir de la guerre et par l’Allemagne elle-même ? Un rapport d’octobre 2016 indique que près de 80 % des cadres du ministère de la Justice allemande d'après-guerre avaient officié sous le IIIe Reich ! En France, seul un juge, Paul Didier (1889-1961), n’avait pas prêté serment au maréchal Pétain. Même le président Paul Mongibeaux et le procureur général André Mornet, au procès du vainqueur de Verdun en juillet-août 1945, s’étaient ralliés au chef de l’État français. De Gaulle n’était-il pas au courant ?

On se souvient également de l’opération Paperclip menée par l’état-major de l’armée américaine afin d’exfiltrer et de récupérer 1.500 scientifiques nazis, dont beaucoup avaient activement collaboré à l’effort de guerre nazi. Parmi eux : Arthur Rudolf (1906-1996) dont on disait de lui "100 % nazi, type dangereux, menace de sécurité". Il devint l’un des piliers de la NASA avec Wernher von Braun (1912-1977), à qui Hitler devait les funestes Vergeltungswaffe 1 et 2 (V1 et V2). Que dire des autres ? Certes, ils n’ont pas touché de pensions mais ont obtenu beaucoup plus : la liberté, un salaire et la considération de leurs ennemis ! On se dit, finalement, qu’il est compliqué de concilier politique, actualité, morale et histoire.

* Ordonnance n°45-364 du 10 mars 1945 "Application aux anciens militaires alsaciens et lorrains de la loi du 31 mars 1919"

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24 février 2019 à 17:00

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