Les olympiades d’hiver qui se déroulent en ce moment en Corée du Sud n’auront pas suscité, dans les médias, un surcroît d’intérêt, alors que se jouent les disciplines handisports. Si on peut difficilement reprocher au service public de les négliger en leur accordant le direct, le relais n’est pas assuré dans le brouhaha de l’actualité. On s’abstient de relayer avec ferveur les exploits de notre "bleu paralympique" aux heures de grande écoute. Aussi, il est sans doute plus facile de faire le compte des flocons d’or, d’argent ou de bronze en consultant la page Wikipédia des jeux paralympiques de Pyeongchang qu’en consultant les pages de football, rugby, football, tennis et football, encore, du magazine L’Équipe.

Flocons d’or : on retrouve pourtant la jeune Marie Bochet, qui ne sait désormais plus ramener autre chose. À 24 ans, cette skieuse victime d’agénésie à l’avant-bras inspire pourtant le respect et l’admiration. Si elle est attendue, c’est qu’elle n’a cessé de progresser pour se hisser aux sommets du ski handicapé. Elle y fait briller désormais ses médailles au fur et à mesure qu’elle fait « chanter la neige », qui le lui rend bien. Sans surprise, l’athlète et porte-drapeau est aussi une personnalité à connaître, pour nous comme pour chacun de ceux qui composent l’équipe paralympique.
Flocons d’or et d’argent, Benjamin Daviet aura tout donné pour les obtenir. Lui était valide, autrefois, avant qu’un accident de mobylette ne lui détériore le genou définitivement ; le voici à concourir, bien que mon langage abuse, au ski de fond. Vous ne le connaissiez pas ? Moi non plus, comme nombre de héros paralympiques qui avancent d’un seul pied dans la compétition. Un bronze en 2014 n’avait pas réussi à faire parler de lui. Il lui fallait quatre années de plus pour offrir à la France de l’or et de l’argent. Faudrait-il aussi de l’encens et de la myrrhe pour que l’enfant gâté des médias s’en contente davantage ?

Flocons d’argent, « seulement », pour un autre enfant, ou presque. Arthur Bauchet, 17 ans, de sa technique rigoureuse comme le froid et de son sourire frais comme un matin d’hiver, ferait un bien meilleur héros que nombre de figures pour les jeunes de son âge. Aucun accident pour lui, mais une diplégie spastique (syndrome de Little) l’a privé progressivement de l’usage de ses jambes. Il participe, pour la première fois, aux jeux paralympiques et ne gâche pas son plaisir. Deux médailles d’argent, c’est bien ce qu’il nous fallait pour emmener la France, pour le moment, à la deuxième place du classement, juste derrière les États-Unis.

D’autres flocons, encore. Comme celui de Frédéric François, 41 ans, paraplégique suite à une chute de snowboard, qui a troqué la planche pour les skis. Celui de Thomas Clarion, non-voyant, déjà médaillé à deux reprises en 2014. Celui tombé sur le snowboard de Cécile Hernandez-Cervellon, et sa trépidante vie bouleversée par une sclérose en plaques, pour autant sans laisser sa planche morte.

Nous le voyons, il neige à gros flocons en Corée du Sud. Mais sous la neige et ses paillettes, ce ne sont pas de simples athlètes qui concourent, et nous le savons bien. De manière générale, j’ai assez peu à critiquer des athlètes aux Jeux olympiques qui, en dépit des victoires, gardent la cheville bien ancrée aux après-skis. Pourtant, ces athlètes-là, chacun privé d’un peu d’eux-mêmes, ont quelque chose de plus : la marque dans leur chair ; l’épreuve dans leur vie ; l’obstination dans leur tête ; la force dans leur esprit ; et, pour nous, une humble leçon de vie dans tout leur être.

1157 vues

13 mars 2018 à 10:07

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.