Le 26 juin prochain, Emmanuel Macron se rendra au Vatican pour y rencontrer le pape François. Qui sait ce qu’ils se diront ? Mon prophétisme personnel n’étant pas d’une fiabilité éprouvée, je ne peux qu’esquisser quelques conjectures en fonction du contexte d’aujourd’hui.

Le pape François a procédé, récemment, à deux nominations épiscopales qui sont sans doute signifiantes.

Tout d’abord celle de l’archevêque de Paris, Monseigneur Michel Aupetit, vocation tardive et ancien médecin. Dans un pays qui s’est déchiré sur une question anthropologique il y a cinq ans et où chacun semble prêt à en découdre de nouveau, qui pour « progresser » encore dans la transgression des limites anciennes, qui pour ne pas céder un pouce de plus de terrain et pour reconquérir une partie de celui perdu, cette nomination véhicule un message précis : les tenants du progrès n’ont pas le monopole de la science et ils trouveront à qui parler.
Monseigneur Matthieu Rougé, nommé à la tête du diocèse de Nanterre, n’hésitait pas à courir le semi-marathon de Paris en soutien à la fondation Jérôme-Lejeune, fer de lance de la recherche et des soins sur la trisomie 21 et luttant contre l’avortement, en particulier eugéniste. Qu’on se le dise, l’Église de France pourrait, face aux dérives dites sociétales (avortement, eugénisme, euthanasie, famille), s’inspirer du franc-parler du pape, qui se moque bien du politiquement correct et ne recule devant aucune comparaison, fût-elle avec des nazis.

À la lueur de l’actualité récente, il est probable qu’ils abordent le sujet des migrants et que le pape rappelle alors que « tout est lié », que ces migrants ne sont que les symptômes de crises plus graves, économiques, sociales, écologiques, ethniques, politiques qui devraient être traitées à l’origine et dont certaines sont induites par la triomphante doxa des marchés financiers.

Emmanuel Macron se rendra au Vatican auréolé de son discours au collège des Bernardins, qui a fait grincer quelques dents chez les laïcards et qui mérite d’être relu de façon critique. Certes, les catholiques ont été brossés dans le sens du poil, mais faut-il pour autant s’arrêter aux seules bonnes intentions affichées ?

Ne sont-elles pas paradoxales quand Monsieur « en même temps » se permet de fustiger le relativisme dont il est pourtant l’un des chantres ? Et quand il intime à l’Église que sa voix ne soit pas « injonctive » mais seulement « questionnante », n’est-ce pas une façon polie de dire qu’il ne sera tenu aucun compte de son avis ? Certes, Benoît XVI avait admis, lors de son discours au Parlement anglais, que la religion ne doit pas fournir la norme, mais seulement éclairer la raison pour établir des normes morales objectives.

Là où le pape et le Président se rencontreront sans doute, c’est sur l’engagement des catholiques en politique, cette forme la plus haute de la charité aujourd’hui en déshérence. Mais est-ce pour y faire la même chose ? La question n’est sans doute pas d’y prendre des places : elles sont toutes ou presque monopolisées par certaines officines. Les catholiques doivent y apporter la conscience du bien commun, un concept sans doute incongru pour un très libéral banquier devenu Président. L’enfant chéri des marchés financiers et du parti médiatique peut-il se convertir à la doctrine sociale de l’Église ?

Bref, je pense qu’Emmanuel Macron, talentueux joueur de poker, bluffe avec les catholiques. Est-ce de ma part un procès d’intention ? Je crois que c’est juste de la lucidité, et j’aimerais tant avoir tort !

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19 juin 2018 à 15:47

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