Ils étaient bien propres sur eux et bien sages, côte à côte, sous la double rangée de drapeaux de leurs pays respectifs et de l’Union, Giuseppe Conte, juriste, professeur de droit civil à Florence, nouveau président du Conseil italien, et Emmanuel Macron, lors de leur conférence de presse commune ce vendredi.

Conte ne parlait que « droits de l’homme et dignité de la personne », et Macron renchérissait en une touchante symphonie.

Mais vinrent ensuite les questions, parfois embarrassantes. Un journaliste de Quotidien se fit un plaisir de rappeler à Macron qu’il avait qualifié les Italiens d’irresponsables et de cyniques, et qu’il avait été traité en retour par Matteo Salvini d’hypocrite…

Conte et Macron répondirent l’un après l’autre, mais comme d’une seule voix : "Il y a eu des jours un peu tumultueux mais nous avons une entente parfaite."

Puis un journaliste italien posa l’autre question qui fâche à Conte : "Matteo Salvini ne dit pas la même chose que vous, il veut réduire l’immigration et s’appuie sur l’axe Vienne-Budapest-Varsovie." Macron, désireux de tirer son « ami Giuseppe » d’embarras, répond le premier: "Nous ne remettrons jamais en cause le droit d’asile […] mais celles et ceux qui migrent pour des raisons économiques, nous ne pouvons pas tous les accueillir. D’autant qu’ils nourrissent parfois les réseaux de drogue et de terrorisme." Une belle concession à la position de Salvini et, surtout, à la réalité…

Puis il contre-attaque.

Il lance d’abord, mordant, au journaliste : "Vous avez parlé de l’axe… je me méfie de cette formule, elle ne nous a pas porté bonheur dans l’Histoire."

Puis martèle :

Matteo Salvini est ministre de l’Intérieur. Mais c’est le chef de gouvernement qui décide. L’Italie a un chef de gouvernement, la France a un chef d’État, ce sont eux qui décident.

Salvini appréciera… mais Édouard Philippe aussi !

Enfin, il ironise, un brin perfide : "Mais si le ministre de l’Intérieur italien a des contacts privilégiés avec l’Autriche ou la Hongrie, etc., alors, il pourra sans doute amener ces pays à plus de solidarité avec l’Italie ! Je m’en réjouirais."

Conte, décidément docile, renchérit : "J’ai toujours partagé mes idées avec le ministre de l’Intérieur, avec tous les ministres et les représentants militaires […]. Mais pour l’axe, je partage les parole de mon ami Macron : je veux un axe de bienveillants."

Du coup, Macron s’enflamme : "La France respectera toujours le droit international. Nous accueillerons toujours les bateaux." Et il en profite pour glisser : "Et, pour une solidarité sans faille, il faudra un budget de la zone euro."

Si vous rejetez l’Europe, c’est qu’il n’y a pas assez d’Europe. Refrain connu.

À la fin de la conférence de presse, fraternel, presque paternel, Macron prend la main de « Giuseppe » et la tient longuement dans les siennes, avant de le prendre par l’épaule pour gagner la sortie.

Pendant ce temps, comme en contraste, les Italiens manifestent nombreux leur soutien à Salvini dans les rues de Gênes, où il se trouve.

Au retour à Rome de Conte , il y a fort à parier que Matteo Salvini, agacé par sa prestation parisienne, lui rappellera que si lui-même et Luigi Di Maio, le président de 5 étoiles, n’avaient pas décidé de lancer la procédure de destitution contre le président de la République, Sergio Matarella, quand ce dernier l’avait, sur injonction de Bruxelles, remplacé par Carlo Cottarelli, il ne serait plus, à cette heure, président du Conseil.

Et que la méthode forte, ma foi, ça a du bon, parfois…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:38.

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16 juin 2018 à 10:18

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