Plus de cent professionnels plaident pour l'instauration de quotas dans le financement du cinéma et plusieurs personnalités constatent que "les femmes restent discriminées dans le cinéma". Le sexisme est dénoncé à la veille de la cérémonie de remise des César.

Les polémiques, les dénonciations et les révélations qui nourrissent pratiquement quotidiennement les médias - comme s'il avait fallu Harvey Weinstein pour libérer des agissements de toute nature vieux comme le monde, notamment dans les lieux de pouvoir - ont révélé, à quelques exceptions près, une image de la condition féminine qui a semblé accepter l'emprise virile plutôt qu'y résister. Je ne dis pas qu'il aurait été toujours facile de s'y opposer, mais tout de même, ce qui ressortait dans l'ensemble relevait plus d'une faiblesse parfois incompréhensible que d'une affirmation éclatante et assurée de soi.

Mettre, comme on l'a fait, sur le même plan des agressions graves, des attouchements légers, des propos vulgaires, des gestes ou des paroles indécents, des familiarités discutables mais dérisoires et de profondes indélicatesses n'a fait que confirmer cette impression d'un monde qui, face à Weinstein et à d'autres comme lui, n'était constitué que de femmes faibles et vulnérables. Ainsi, ce sexe qui s'était battu pour arracher de lui cette étiquette de faiblesse la méritait donc réellement puisque, dans beaucoup de moments où des arbitrages étaient à effectuer, la défaite, la démission, l'abandon ou la résignation l'ont emporté.

On va sans doute, à la fin du mois de mars, débattre de l'outrage sexiste et du harcèlement de rue. Ce ne sera pas une avancée mais une régression - avec d'improbables interventions policières - qui accentuera ce constat qu'un sexe a besoin d'être protégé par des dispositifs législatifs de ce que la quotidienneté présente comme aléas, incidents, sifflements, admiration dévoyée, drague un peu lourde, proximité gênante - toutes péripéties que la simple affirmation de soi, le refus d'être traitée de la sorte, l'éloignement poli ou sévère, l'ironie caustique, la dérision permettraient de régler au mieux. Quel étrange pays où la femme aurait besoin en permanence d'une autre arme qu'elle-même !

On est en train de tomber, avec les quotas, le souci politique et impérieux de gestion d'un sexe prétendument discriminé pour des motifs bas, avec la volupté amère de narrer par le détail, avec tant de retard, ce qu'on a subi, avec la répression demain du harcèlement de rue, des comportements sinon dérisoires mais qui n'imposent pas, en tout cas, qu'on ait besoin d'une loi pour se comporter en adulte.

Je conçois qu'on veuille, face à des situations professionnelles objectives, favoriser une égalité entre les sexes, mais que vient faire cette exigence dans les univers du talent, de la subjectivité, de l'art, du choix discrétionnaire et de la reconnaissance, en fin de compte, de qui le mérite, hommes ou femmes, même s'il faut du temps.

Des hommes médiocres occupent des postes importants et il arrive, notamment dans le domaine médiatique, que des femmes sans valeur indiscutable bénéficient d'une choquante visibilité.

Cette volonté politique, toute de bonne conscience, me semble priver les femmes du droit d'être elles-mêmes pour résister, refuser, progresser, convaincre, exceller et, pourquoi pas, dominer. Qu'on cesse de priver les femmes de leur capital irremplaçable : elles existent, elles ne sont pas faibles. Il y a de l'humiliation - je la détesterais - à devoir supporter qu'on vienne se mêler de ce qui me regarde, de mon existence sur tous les plans intime, familial, professionnel et artistique.

Ce sexe n'est pas faible ni pitoyable.

À force de se pencher sur lui comme s'il était en péril, en fragilité, à force de ne pas le laisser s'épanouir à sa manière dans la liberté et l'inventivité de l'existence, il est clair qu'il est redevenu ce qu'il n'aurait plus jamais dû être : le sexe faible.

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02 mars 2018 à 0:00

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