On « fête » aujourd’hui l’évacuation de la jungle de Calais

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Drôle d’anniversaire… On "fête" aujourd’hui l’évacuation de la jungle de Calais. Un an, donc, ce 24 octobre, que les autocars du Président Hollande quittaient la jungle au petit matin, direction l’un des 280 CAO, les centres d’accueil et d’orientation répartis sur tout le territoire national, à l’exception notable, toutefois, de la Corse et de l’Île-de-France.

Le dernier recensement officiel comptabilisait, à ce moment-là, 6.500 migrants aux abords de Calais. Officieusement, ils étaient évidemment quelques milliers de plus. Sans doute plus près de 8.000 au total.

Munis de petits bracelets de couleur selon la résidence qu’ils avaient choisie (au pif, d’un doigt hasardeux sur une carte qui, forcément, n’évoquait rien pour eux), ils sont partis vers un autre destin que les autorités assuraient radieux. Les bennes à ordures sont passées, puis le lance-flammes sur leurs galetas. Circulez, Français, il n’y a plus rien à voir…

Combien de ces migrants "évacués" se sont fixés là où on les avait débarqués ? Mystère. Je n’ai trouvé aucun chiffre à vous livrer. Seulement des faits à mettre, je le crains, en parallèle… Durant cette année, les camps de fortune se sont multipliés dans Paris. Trente évacuations en deux ans, la dernière date du 14 juillet et la prochaine ne saurait tarder, puisque la source n’est pas tarie - loin s’en faut. Et pourtant, pas de CAO en Île-de-France. Juste un petit camp de transit pour 450 personnes, dont madame Hidalgo ne cesse de se gargariser.

Dans le même temps, le camp de la Linière, ouvert en mars 2016 à Grande-Synthe, ne cesse lui aussi de se remplir. Et puis les migrants en provenance d’Érythrée, d’Afghanistan, du Pakistan… continuent d’affluer à Calais. D’autres y reviennent, et la jungle se réinstalle dans les dunes, au grand dam de la population locale.

Un reportage, paru ce mardi matin dans La Voix du Nord, montre que la situation humanitaire est pire qu’avant l’évacuation de 2016. En cause, les consignes officielles de « tolérance zéro », dénoncées par les associations dont la charité constitue, in fine, le pire des appels d’air. Alors ça dérape… Une vidéo mise en ligne montre les interventions musclées des CRS qui, de leur côté, assurent appliquer seulement les consignes. Le Défenseur des droits (des migrants ?) a été saisi, l’IGPN va diligenter une enquête… Les CRS répondent qu’on leur demande par tout moyen "d’éloigner rapidement les migrants des camions pour éviter les accidents". Le délégué régional CRS Alliance affirme que ses collègues en poste « ont fait leur travail, face à la provocation permanente des migrants et des militants ».

On nous dit, aujourd’hui, que 1.300 personnes ont été découvertes dans des camions au cours du seul mois d’août, plus de 8.000 depuis le début de l’année. Les transporteurs, qui risquent de lourdes amendes, n’en peuvent plus. Le responsable de RDV Transports (150 salariés) rapporte au journal : "Hier [jeudi] encore, trois migrants ont lacéré la bâche d’un camion pour tenter de monter à bord. C’est notre quotidien. On a porté plainte. Mais, bien sûr, tous sont mineurs et sans papiers. Ils vont être relâchés."

Il faut lire les témoignages sur Job Transport (le blog de la logistique) où tous disent rouler avec la peur au ventre : "S’il se passe quoi que ce soit avec les migrants, on est tenu pour responsable, dans 9 cas sur 10", "On a la peur au ventre de transporter sans le savoir des cargaisons humaines, de se faire pincer aux contrôles, on prend systématiquement du retard, on prend des risques, c’est odieux. Et nous, si on se fait choper avec des migrants à bord, c’est quasiment 2.000 euros d’amende. On ne peut pas se le permettre."

Bref, rien n’a changé à Calais et alentours. Et rien ne changera, probablement, sinon en pire…

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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