« Il n’y a plus de politique africaine de la France. » À voir…

"Je ne suis pas venu vous dire quelle est la politique africaine de la France comme d’aucuns le prétendent. Parce qu’il n’y a plus de politique africaine de la France !" Emmanuel Macron, qui aime surprendre et prendre à rebours, pense-t-il vraiment ce qu’il a déclaré, mardi 28 novembre, devant les étudiants burkinabè de Ouagadougou ? Ce serait vraiment inquiétant.

Car la France compte en Afrique de nombreux ressortissants : plus de 260.000 en 2016, selon le ministère des Affaires étrangères. Car la France y a des intérêts économiques, stratégiques. Car nos soldats, qui sont engagés en opération dans la bande sahélo-saharienne ou prépositionnés dans des pays avec qui nous avons des accords de défense, ne sont jamais que le bras armé d’une politique, celle de la France. Aussi, dire "qu’il n’y a plus de politique africaine de la France" relève de l’effet d’estrade. Comme le coup de « la Françafrique, c’est fini » a déjà été utilisé, réutilisé, il fallait bien trouver autre chose…

Emmanuel Macron - les commentateurs ne l’ont pas relevé, me semble-t-il -, n’a pas pu s’empêcher de lancer une petite pique sur son prédécesseur : "Parce que je ne vais pas venir vous dire que nous allons faire un grand discours pour ouvrir une nouvelle page de la relation entre la France et l’Afrique." Des propos qui font allusion au discours de François Hollande prononcé en octobre 2012 devant l’Assemblée nationale sénégalaise : "Je ne viens pas faire un discours pour effacer un précédent, je viens prononcer un discours pour écrire avec l’Afrique une nouvelle page." Un discours de Hollande qui faisait lui-même écho à celui de Sarkozy, prononcé le 26 juillet 2007, toujours à Dakar, discours qu’on a injustement réduit à ce passage polémique : "Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire…" Les voyages inauguraux en Afrique des Présidents français nouvellement élus ressemblent aux boîtes de La vache qui rit : une curieuse mise en abyme ! On délivre un discours qui se veut, en apparence, en rupture avec celui du prédécesseur mais qui, sur le fond, reste dans une certaine continuité, car la politique étrangère de la France, notamment en Afrique, se pilote comme un paquebot, pas comme une barcasse.

Dans son discours fleuve, qu’il est bien difficile de résumer ici, Emmanuel Macron déroule cette politique africaine de la France qui n’existe pas : "Je suis venu pour prendre des engagements et j’en ai déjà pris. J’ai pris l’engagement d’avoir une France au rendez-vous du défi de développement." Et de citer le chiffre de 0,55 % du PIB français consacré au développement de l’Afrique avant la fin de son mandat, ce qui n’est pas rien quand on pense que la part du budget de la Défense française est, aujourd’hui, bien loin des 2 %. Très classiquement, Emmanuel Macron relève les principaux défis auxquels est confrontée l’Afrique : le terrorisme, le réchauffement climatique, notamment dans la bande sahélo-saharienne, l’urbanisation avec la montée en puissance de grandes mégapoles, la démographie et enfin la démocratie.

Au-delà d’un discours assez classique, ce qu’on retiendra avant tout, c’est le ton employé. Certes vivant, jeune, mais aussi à la limite du condescendant, paternaliste même, d’aucuns diront colonialiste : "Il y a dans mon pays des familles où il y a sept, huit, neuf enfants par femme, c’est leur choix, c’est très bien, je n’ai pas à en juger… Et je n’ai pas à en juger pour une famille et une femme africaines, mais je veux être sûr que partout en Afrique, ce soit bien le choix de cette jeune fille ou de cette femme." De quel droit veut-il être sûr ? Une prise de position de missionnaire du Planning familial qui peut agacer un homme africain qui a bien compris l’Histoire.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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