Au football, peu importe, finalement, de savoir qui emportera la Coupe du monde, sachant qu’à chaque fois, c’est l’équipementier Nike qui décroche la timbale. Ainsi, des centaines de milliers de supporters français attendent-ils fébrilement de pouvoir acheter le maillot des Bleus orné de sa mirifique seconde étoile.

Nike a déjà lancé ses chaînes de production, s’attendant à écouler quelque huit millions de pièces. Lesquelles seront mises en vente au prix très attractif de cent-quarante euros l’unité, ce qui nous met l’étoile à soixante-dix balles. Pas mal. Une culbute d’autant plus pharaonique que le machin en polydrouillamine de synthèse coûte moins de trois euros à fabriquer.

Voilà qui est assez emblématique de cette « mondialisation heureuse », chantée par des philanthropes tels que Jacques Attali et Alain Minc : on vend à des chômeurs des tee-shirts hors de prix fabriqués par des esclaves, tee-shirts dont aucun être humain normalement constitué ne voudrait d’ailleurs, ne serait-ce que pour sortir les poubelles.

Ainsi, Nayla Ajaltouni, de l’association Éthique sur l’étiquette, connue pour ses études sur les conditions de travail des grands équipementiers du sport mondial, s’interroge-t-elle auprès de nos confrères d’Europe 1 : « Comme toujours, une infime partie sera fabriquée en Pologne ou en Turquie pour ne pas priver le marché des premières demandes. Mais le gros sera Made in Asia et sans doute Made in Thailand, pour des raison de coûts de production. »

En effet, ces esclaves ont le mauvais goût de coûter un prix fou. Ceux de Chine n’étant plus assez compétitifs, c’est donc vers la Thaïlande que Nike se tourne désormais, là où les ouvriers doivent se contenter d’un salaire mensuel de moins de deux cents euros. Effectivement, ils auraient bien tort de s’en priver ; ce, d’autant plus que les conditions de travail y sont idéales, plus pour l’employeur que l’employé, bien sûr, avec interdiction de répondre aux éventuelles questions de journalistes et, il va sans dire, d’adhérer à un quelconque syndicat. Bref, le paradis de Pierre Gattaz.

Et la direction française de Nike de montrer l’exemple en faisant une règle d’or de cette loi du silence : "Nous n’avons aucune obligation de vous répondre", est-il justement répondu à ces mêmes journalistes… Ce qui s’appelle maîtriser sa communication.

Ensuite, que pèsent des associations comme Éthique sur l'étiquette face à des géants planétaires tels que Nike ? Peu de chose, évidemment. De son côté, l’homme de bien a de quoi se sentir, lui aussi, désarmé. Remarquez, il y aurait bien un « acte citoyen », « équitable », « responsable » et tout l’habituel toutim : ne pas acheter ce truc importable et qui, de toute façon, ne va avec rien. Après tout, personne n’est obligé de se faire niker.

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24 juillet 2018 à 16:20

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