Franchement, j'aurais été garde des Sceaux avec, pour mission, d'aller annoncer sur un plateau télé, un mercredi matin de juin 2018, que la France allait libérer dans les prochains mois et les prochaines années 500 djihadistes ou radicalisés, j'aurais remis leurs fiches à mes énarques et ma démission au président de la République.

Mais je ne suis pas Nicole Belloubet. Et Nicole Belloubet, elle, est venue chez Bourdin, lunettes sur la tête, l'Arc de Triomphe dans le dos et, bravache, elle l'a fait. Venit, vidit, vicit. Elle a fait passer la potion à des millions de Français. Plus forte que Panoramix, Nicole Belloubet. Et Jean-Jacques Bourdin était, lui, parfait dans le rôle du bon Français vaguement inquiet, mais qui va tout avaler. Tout.

Pourtant, madame Belloubet a su parfois faire preuve de tempérament. Quand elle était recteur de l'académie de Toulouse, en 2005, elle disait ne plus pouvoir "appliquer une politique qu'elle n’approuvait pas". Et l'on se souvient comme était dangereuse la politique de M. Raffarin en matière d'éducation à l'époque... On trouve même étrange qu'elle ne se soit pas exilée.

Si elle reste, ce coup-ci, c'est donc qu'elle y croit mordicus, à la politique de son gouvernement en matière de terrorisme islamiste. Et c'est encore plus grave...

Hier, elle a donc donné des chiffres précis sur les terroristes islamistes qui vont sortir de prison :

Il y a, à peu près, 500 détenus radicalisés comme terroristes islamistes. Sur ces 500, il y en aura une vingtaine qui vont sortir cette année, une trentaine l'année prochaine.

Voilà, c'est dit. Elle a fait son boulot, madame le garde des Sceaux. Totale transparence. Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenus. Vous pouvez aussi vous répéter ces phrases, je ne sais pas, dix ou vingt fois : « La Justice française va laisser sortir vingt terroristes islamistes cette année et trente l'an prochain. » Répétez après Mme Belloubet et gardez le même calme. On pourrait même imaginer une augmentation pour 2020 : allez, dix de plus par an ? Ou vingt, puisque les Français n'y trouvent rien à redire ? On pourrait même avoir une projection des sorties de prison de terroristes islamistes, je ne sais pas, jusqu'à la fin du quinquennat, en 2022 ? Histoire de savoir jusqu'au bout. Et le stock de 500 ne risque-t-il pas de grossir dans les prochaines années, non ? Mais revenons aux chiffres de Mme Belloubet sur d'autres "gens" qui vont eux aussi sortir de prison :

Des gens qui sont détenus pour des faits de droit commun, mais qui en même temps sont radicalisés, pas forcément en prison. Sur ces détenus de droit commun radicalisés, 30 % auront terminé leur peine et sortiront en 2019, soit à peu près 450 personnes.

Bien entendu ? En 2019, 450 radicalisés sortiront des prisons françaises.

Certes, Mme Belloubet a pris les devants et nous a expliqué qu'il y avait deux façons de traiter ces informations chiffrées, une "affolante", et la sienne, "rationnelle".

Mais, pressentant peut-être que certains Français seraient un peu plus « affolés » que Jean-Jacques Bourdin, ou autrement rationnels qu'elle, elle a détaillé sa politique de suivi :

Le gouvernement est vraiment arc-bouté sur le suivi de ces personnes. Ça commence en détention. [...] Quand ils sortent de prison, il y a deux mots clés : nous anticipons leur sortie, et nous les suivons de manière extrêmement précise. [...] Nous les suivons pas à pas.

Une semaine après l'attaque terroriste de Liège perpétrée par un détenu radicalisé qui venait de sortir de prison, Mme Belloubet s'est arc-boutée sur cette politique rationnelle qui tient en quelques mots clés : la Justice française libérera des centaines d'islamistes dangereux.

Et vous êtes priés de ne pas vous affoler et de la suivre. Pas à pas...

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07 juin 2018 à 8:35

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