Les sondages le montrent : la popularité d'Emmanuel Macron est fortement en baisse depuis quelque temps.

Pourquoi a-t-il du mal à convaincre les Français ? Pour Guillaume Bernard, ces mauvais sondages s'expliquent par le fait que son élection s'est faite moins par l'adhésion à sa personne que par le rejet des autres. Par ailleurs, son ambiguïté permanente désarçonne et fait des déçus.

Pour autant, la droite ne ramassera pas la mise tant que, loin de repousser Emmanuel Macron vers la gauche, LR et FN, raisonnant encore en "partis", concentreront leurs efforts à se siphonner mutuellement.

Guillaume Bernard, les sondages montrent que la popularité d’Emmanuel Macron a fortement baissé ces derniers temps. Pourquoi le président Macron a-t-il du mal, selon vous, aujourd’hui à convaincre les français ?

"Il faut tout d’abord se souvenir qu’Emmanuel Macron et la majorité parlementaire ont quand même été élus essentiellement par défaut. Ils ont été élus beaucoup plus par rejet des autres que par adhésion.
Je rappelle aussi qu’il y a eu une très très forte abstention aux élections législatives et que le taux de participation au deuxième tour de la Présidentielle était en berne.
Il n’est donc pas totalement étonnant qu’à la suite d’un manque d’adhésion lors des élections, il y ait aujourd’hui un début de ressentiment ou du moins de perte de crédibilité.
Par ailleurs, Emmanuel Macron est maintenant au pouvoir depuis un certain temps. Devant le manque de résultats probants, il n’est pas étonnant que certaines personnes de l’opinion publique expriment leur déception.
D’autre part, le grand écart idéologique de la grande coalition de la droite modérée à la gauche modérée a pu conduire, selon les sujets, à la surprise ou à la déception de certaines personnes, d’un côté ou de l’autre de l’échiquier politique.
Emmanuel Macron, c’est l’ambiguïté permanente. La déception est donc possible de chacun des côtés du spectre."

On qualifie souvent la stratégie d’Emmanuel Macron de celle du ‘’en même temps’’, qui ferait penser, selon certains historiens, à Louis Philippe. Il aimerait contenter à la fois les uns et les autres, mais il déçoit tout le monde au final. Qu’en pensez-vous ?

"Je crois qu’Emmanuel Macron est effectivement la réincarnation de L’Orléanisme. Tout d’abord par son positionnement politique au centre, par sa modernité politique incontestable ensuite, et enfin par son idéologie, en particulier par le côté gauche du macronisme et le libéralisme économique pour le côté droit.
C’est l’incarnation du libéralisme, par la réunification du libéralisme économique qui avait glissé sur la droite du spectre politique et du libéralisme sociétal qui était resté sur la gauche. Cette position centrale sur le spectre politique empêche les deux autres forces politiques de droite et de gauche de pouvoir s’imposer. Évidemment, ces deux autres camps sont dans l’incapacité de s’unir pour pouvoir renverser le macronisme.
Emmanuel Macron peut donc peut-être espérer rester en poste pendant un certain temps, mais pour autant cela ne veut pas dire qu’il y ait un véritable enthousiasme pour sa personne et pour la politique qu’il mène."

Même si l’adhésion à Emmanuel Macron baisse, on ne peut pas dire que la cote de Laurent Wauquiez ou de Marine Le Pen soit pour autant au beau fixe. Les opposants de droite proposent-ils véritablement une ligne claire ?

"Ils n’arrivent non seulement pas à émettre une ligne claire. Mais je crois qu’ils raisonnent tous encore en termes de partis et d’intérêts particuliers.
La droite en particulier ne cherche pas à faire glisser ou à repousser Emmanuel Macron vers la gauche. LR et le Front National essaient pour l’instant de se siphonner réciproquement et de s’autodétruire, mais ils ne cherchent pas à combattre Emmanuel Macron.
Par conséquent, ils ne se rendent absolument pas compte de la difficulté de leur situation.
Certes Macron a été élu par défaut. Pour autant, son positionnement sur le spectre politique et sa doctrine libérale peuvent plaire à des gens supposément de droite et à des gens supposément de gauche. Il peut donc perdurer et se contenter de ce positionnement central. Si la droite n’est pas capable de se décloisonner, de se recomposer et de faire un effort de clarification doctrinale, elle sera dans l’incapacité de le repousser vers la gauche et de reprendre le pouvoir."

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19 février 2018 à 20:35

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