On vient d’apprendre que l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis et le royaume de Bahreïn ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Officiellement, pour des questions de sécurité nationale : Doha déstabiliserait la région et soutiendrait des groupes terroristes. Certaines liaisons terrestres, aériennes et maritimes ont même été suspendues.

Ces dissensions ne sont pas sans rapport avec la situation politique et religieuse au Moyen- Orient, le Qatar étant accusé d’être trop proche de l’Iran. Laissons aux spécialistes de la géopolitique le soin d’analyser les causes exactes de ce différend, qui pourrait bien dégénérer en conflit. Si c’était le cas, la France pourrait se vanter d’avoir largement contribué à fournir des armes aux belligérants.

Compte tenu du poids des exportations d’armes dans la balance commerciale, le gouvernement de François Hollande, à défaut de redresser l’économie, a cyniquement calculé le profit qu’il pourrait tirer de ventes qui mettent en jeu des dizaines de milliers d’emplois. Quand on se souvient du refus de livrer deux Mistral à la Russie, on peut être surpris de son indulgence à l’égard de pays qui sont loin d’être exemplaires.

Ne parlons pas des armes livrées à des groupes rebelles syriens, en cohérence avec la politique choisie par l’ancien président de la République. Mais la vente massive d’armes à des pays dont le fonctionnement démocratique laisse pour le moins à désirer, dont certains sont soupçonnés de complaisance pour le terrorisme islamique ou encore engagés au Yémen dans une guerre meurtrière contre les rebelles houthistes – que la communauté internationale a tendance à oublier –, n’émeut guère nos adeptes de la bien-pensance.

En matière de livraisons d’armes, l’Arabie saoudite, qui dispute aujourd’hui la première place au Qatar, a longtemps été pour la France un client privilégié. À ces pays s’ajoute l’Égypte, qui a commandé des Rafale, des hélicoptères, des navires de guerre. Pour nos dirigeants, la vente d’armes est un pactole incommensurable.

Quand de tels intérêts sont en jeu, on garde dans les tiroirs les droits de l’homme qu’on aime tant brandir en d’autres occasions. L’argent n’a pas d’odeur, c’est bien connu ! L’on ne pense pas aux victimes que feront ces armes : après tout, puisqu’on ne les manie pas directement, on peut s’en laver les mains et proclamer, comme Ponce Pilate, son innocence et son amour de la paix !

La France a toujours entretenu des relations privilégiées avec l’Arabie saoudite, malgré la pensée salafiste qu’elle promeut. Elle est, de même, l’un des premiers fournisseurs du Qatar. Bien plus : elle laisse, depuis des années, les Qataris investir massivement, dans des conditions parfois opaques, voire avec des privilèges fiscaux.

Le Traité sur le commerce des armes, ratifié par la France en 2014, précise qu’un État signataire "ne doit autoriser aucun transfert d'armes classiques […] s'il a connaissance […] que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie".

François Hollande l’a allègrement oublié. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’est engagé à n’avoir aucune "complaisance" pour le Qatar et l’Arabie saoudite. Mais, en même temps, comme il aime à le dire, le 11 avril 2017, il déclarait à Europe 1 : "La France n'a pas vendu tant que cela à l’Arabie saoudite." Ceux qui font de la finance la valeur suprême n’ont pas à s’inquiéter : notre nouveau Président ne risque pas de tuer la poule aux œufs d’or.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 07/11/2023 à 11:04.

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05 juin 2017 à 18:41

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