La mort de Louis XVI : le sacre de l’absolutisme révolutionnaire

Il y a 225 ans, le 21 janvier 1793, à dix heures passées, le roi Louis XVI mourait sur l’échafaud. L’histoire de notre pays foisonne d’événements, de rebondissements, de drames mais, à bien y regarder, il existe sans doute moins de dix faits qui ont marqué pour toujours le destin de la France. Et l’exécution du roi sacré constitue, sans nul doute, l’un de ces rares moments.

Le baptême de Clovis fait du royaume des Francs une nation chrétienne. "L’humble et merveilleux évangile de la Pucelle" - pour reprendre le titre d’un ouvrage de Jean Bach-Sisley paru en 1928 – révèle au peuple français son appartenance nationale, qu’il ne se donne pas à n’importe qui et que la liberté du souverain est la condition de sa propre liberté. L’abjuration d’Henri de Navarre, alors que la France était autant menacée par l’ennemi extérieur que par les divisions internes, permet à ce fils de Saint Louis de se libérer de la cuirasse de chef de parti pour endosser le manteau de roi de tous les Français. Elle consolide ce fil si fragile, mais tellement précieux et nécessaire alors, pour le rétablissement de la concorde. Un fil tissé au cours des siècles entre la monarchie et la France.

La mort de Louis XVI est, à l’évidence, l’acte irréversible qui coupe ce fil. La Restauration faillit dans son raccommodage, peut-être par son aveuglement. Quant aux deux tentatives napoléoniennes, elles échouèrent dans le fracas des guerres. En cela, les conventionnels, et plus particulièrement leurs idéologues, virent juste. Il fallait tuer le roi. Pour Robespierre, le procès était chose superfétatoire. "Il n’y a point ici de procès à faire. Louis n’est point accusé, vous n’êtes point des juges ; vous êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’État et les représentants de la nation. Vous n’avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer… Il est condamné ou la République n’est point absoute."

On peut être frappé que l’appel à la ratification de la sentence par le peuple, proposée par le girondin Vergniaud, ait été rejeté. On peut s'étonner que nombre de ces révolutionnaires, en principe opposés à la peine capitale, aient voté la mort du roi… Un exemple, parmi tant d’autres : Deydier, un obscur député de l’Ain, s’empresse d’écrire en février 1793 à ses administrés pour se justifier. "J’étais convaincu des crimes de Louis Capet, et néanmoins je vous l’avoue, il m’en a coûté de prononcer contre lui la peine de mort, tant il est peu dans mon caractère de voir périr un individu [...] Je pense que Louis XVI mort servira plus à la République que dans sa prison ou plutôt lui sera moins nuisible. Tels ont été les motifs qui m’ont arraché le vote de la mort et sa prompte exécution. Ne pensez pas que ma négative sur l’appel au peuple soit un mépris de sa souveraineté : loin de moi une pareille idée, j’ai été et je serai toujours un de ses plus zélés défenseurs : mais j’ai vu au contraire que ce serait la méconnaître que de lui renvoyer ce qu’il nous a délégué..."

Tout cela, c’est de la vieille histoire. Voire ! En 2013, Alexis Corbière, alors porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, aujourd’hui député de La France insoumise, écrivait : "220 ans après l’exécution du ci-devant Louis Capet le 21 janvier 1793, on peut encore saluer, [... ] avec enthousiasme intact, la grande portée politique de cet immense événement qu’est la Révolution française, non ? D’autant plus que, je crois savoir que quelques illuminés se réuniront de leurs côtés dans une cinquantaine de messes (quelle honte pour les ecclésiastiques qui se prêtent à cela) pour célébrer la mémoire de Louis XVI [...] Farouche partisan en 2013 de l’abolition de la peine de mort sur toute la planète [...] j’avoue que je reste fidèle à la parole de Saint-Just lors du procès du Roi : “Cet homme doit régner, ou mourir”."

Entre Robespierre et Corbière, le fil rouge est intact.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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