Mort du colonel Moore, l’un des derniers Compagnons de la Libération

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Ils ne sont plus que dix. Dix Compagnons de la Libération. Puisque dans la nuit de samedi à dimanche, le colonel Fred Moore, âgé de 97 ans, est mort à Paris dans les murs vénérables de l’hôtel des Invalides, cette institution fondée en 1670 par Louis XIV pour que "ceux qui ont exposé leur vie et prodigué leur sang… passent le reste de leur jour dans la tranquillité". Dans les veines du colonel Moore coulait à la fois le sang anglais de son père, ancien officier de la Royal Navy, naturalisé français en 1926, et le sang français de sa mère. Un symbole, en quelque sorte, de cette amitié franco-britannique née dans la boue des tranchées et sur les flots déchaînés de la Grande Guerre.

La jeunesse de Fred Moore ne se passa pas dans la tranquillité. En juin 40, âgé de 20 ans, après avoir traversé la France d’est en ouest, c’est à la voile que celui qui se destinait au pacifique métier d’opticien quitte les côtes du Finistère pour rejoindre l’Angleterre. Car il veut se battre. Pour lui, le gouvernement français s’est déshonoré en demandant un armistice séparé avec l’ennemi, malgré les accords signés. Un chalutier français en provenance de Dunkerque le recueille et lui permet d'arriver à bon port.

Voulant s’engager dans la Royal Air Force, on le lui refuse car mineur et de nationalité française. Mais on lui suggère alors d’aller voir le consul de France à Brigthon, qui lui parle d’"un général de Gaulle qui a lancé un appel, il y a quelques jours". Et c’est ainsi que, de fil en aiguille, Fred Moore, fils de marin, désireux de devenir aviateur, se retrouve finalement, après plusieurs péripéties et une formation d’aspirant, dans… les spahis !

Chef de peloton, il combat en Égypte, en Libye, en Tunisie. En avril 1944, il embarque à Oran pour rejoindre l’Angleterre et débarque à Grandcamp en Normandie avec la 2e division blindée de Leclerc. Le 25 août 44, il prend une part active à la prise de l’École militaire où étaient retranchés les Allemands. Les curieux peuvent d’ailleurs encore voir, aujourd’hui, les traces de ces combats – qui furent tout sauf une partie de plaisir - sur la façade, côté Champ-de-Mars. Puis ce sera la campagne d’Alsace, la prise de Strasbourg. Début 1945, Moore participe, toujours avec la 2e DB, aux combats sur le front de La Rochelle avant de terminer la guerre en Allemagne.

Fred Moore quitte alors l’uniforme pour entamer une carrière d’opticien, d’administrateur de société et de PDG de société industrielle. Parallèlement, il poursuit sa carrière militaire dans la réserve, qu’il terminera au grade de colonel en 1982. Et, en 1958, lors du retour du général de Gaulle aux affaires, il s’engage en politique et est élu député de la Somme sous l’étiquette UNR, le très lointain ancêtre des LR.

Le 17 novembre 1945, le lieutenant Fred Moore avait été fait Compagnon de la Libération. Il rejoignait ainsi cet ordre de chevalerie très fermé dont le seul grand maître fut son fondateur : le général de Gaulle. 1.036 personnes seulement y furent admises jusqu’au 23 janvier 1946, date de signature du décret de forclusion. L’ordre était voué à disparaître avec le temps. Deux exceptions, cependant, à cette forclusion : pour Churchill en 1958 et pour le roi George VI en 1960, à titre posthume. Deux Britanniques, comme le père de Fred Moore… Fred Moore qui sera le dernier chancelier de l’ordre en 2011.

Ils ne sont donc plus que dix, aujourd’hui, à avoir un jour entendu la formule d’adoubement : "Nous vous reconnaissons comme notre compagnon pour la libération de la France, dans l’honneur et par la victoire."

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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