À l'occasion de cet entre-deux-tours de l'élection présidentielle - celle, probablement, de tous les regrets -, c'est à Jean-Luc Mélenchon de constater, en la subissant, la perversité du système politico-médiatique français qui, jusque-là, réservait ses procès en sorcellerie et ses anathèmes au seul Front national.

Ainsi a-t-il sans doute apprécié à sa juste mesure la dernière sortie de Bertrand Delanoë, l'ancien maire de Paris et désormais soutien inconditionnel du banquier Macron, comparant l'attitude actuelle du leader de la France insoumise à celle de l'extrême gauche allemande des années 30, laquelle, selon l'édile socialiste, avait favorisé l'élection d'Hitler au suffrage universel en ne prenant pas officiellement position contre lui. Mélenchon implicitement comparé à un suppôt du nazisme, voilà de quoi remettre de l'ordre et apaiser le climat, déjà plus que tendu, qui règne au sein de la gauche française !

Évidemment, pour celles et ceux, patriotes, qui sont habituellement considérés comme porteurs de tous les maux de la terre, et stigmatisés à longueur de temps, l'utilisation de ce procédé indigne pour pousser dans ses retranchements et forcer la main d'un responsable politique qui a osé s'attaquer au Parti socialiste jusqu'à le réduire à sa plus simple expression n'a rien d'étonnant. Mélenchon, grâce à une campagne électorale que les grands communicants s'accordent à dire qu'elle a été excellente, mais aussi sur la base d'un programme résolument à gauche, a su parler à de nombreux socialistes. C'est donc tout naturellement qu'il s'impose aujourd'hui, au grand dam de la rue de Solférino, comme seul susceptible de pouvoir rassembler une famille politique orpheline de ses valeurs, dont les ténors, au prix de leurs renoncements, n'ont pas hésité un instant, au nom de leurs seuls intérêts personnels et pour d’hypothétiques mandats ou fonctions à venir, à rejoindre le candidat de la haute finance mondialisée.

Ainsi, parce qu'il n'a pas jusqu'à présent pris position, ad hominem, contre Marine Le Pen, et qu'il a osé affirmer dans un tweet que "Macron n'était pas un barrage au Front national", Jean-Luc Mélenchon se trouve t-il, à son tour, cloué au pilori moderne que sont devenus nos médias donneurs de leçons, seuls dépositaires de ce qui est bien ou pas, de ce qui est juste ou pas, de ce qu'il faut faire ou pas.

Et pourtant, Mélenchon a juridiquement raison. En effet, le vote est secret en France depuis une loi de juillet 1913. Cette prescription est d'ailleurs reprise par les articles L. 59 et L. 60 du Code électoral. Rien n'autorise donc les personnalités politiques à faire part de leur choix lors d'une élection, et encore moins la presse de se saisir de ces choix pour faire pression sur l'électorat. Il s'agit, là encore, d'une malheureuse pratique antidémocratique, à laquelle se sont soumis les politiques. Pratique qui se retourne aujourd'hui contre certains d'entre eux. D'un point de vue purement éthique, il conviendrait donc de revenir sur cette habitude néfaste et d'interdire, sous peine de sanction pénale, de dévoiler publiquement ses intentions de vote. À n'en pas douter, la rigueur et la transparence démocratiques y gagneraient ce que les manipulations électorales y perdraient.

La seule question qui se pose désormais, parce qu'elle a valeur de symbole, est de savoir jusqu'à quand l'ex-candidat de la France insoumise pourra résister aux pressions qui s'exercent contre lui. En résistant, il se grandira. En pliant, il s'abaissera.

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29 avril 2017 à 0:12

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