Mélenchon : le tribun et les accents de France

Jean-Luc Melenchon

Dans sa Lettre d’un père à son fils, Montherlant jugeait que le mépris est une valeur à cultiver, ce qui, dans la morale aristocratique qui était la sienne, se conçoit aisément. L’enjeu, bien sûr, consiste à ne pas se tromper quant à l’objet auquel il s’applique. En méprisant et, surtout, en moquant l’accent d’une journaliste sudiste, le Líder Máximo de La France insoumise, grand bourgeois parisien très loin de ce qu’il reste de peuple et d’aristocratie, a illustré une fois de plus son dégoût de la France réelle et charnelle, celle-là même qui n’entre pas dans ses cadres mentaux. Outre qu’il n’aurait sans doute pas agi ainsi face à Jean-Michel Aphatie, par exemple (Jean-Luc est féministe...), il illustre ce que le jacobinisme républicain a de plus… méprisable.

De la langue d’oc, le grand écrivain Max Rouquette disait que les « Francimands » avaient réussi à faire taire les paroles mais pas la musique. L’accent dit « du Sud » n’est, en effet, rien d’autre que l’accent occitan. Hors contexte, lorsque je parle, un interlocuteur ne distinguerait pas, par exemple, la « pomme » de la « paume » parce que le O ouvert n’existe pas dans la langue maternelle de mes grands-parents, qui ont appris le français à coups de trique et d’humiliations à l’âge de six ans, ce dont je leur suis reconnaissant car, sinon, je n’aurais jamais eu l’heur de comprendre M. Mélenchon, pour qui la langue d’oc, pourtant "fille aînée du latin" (Jules Cubaynes), au cœur de La Divine Comédie, de Dante, avec le troubadour Arnaud Daniel, n’est sans doute bonne qu’à mener les bêtes (lorsqu’il y en avait autant que des aristocrates et des paysans, cela va de soi) et non le "bétail électoral" (Nietzsche).

M. Mélenchon ayant la réputation d’être un homme cultivé, ce qui est vrai car — il faut toujours en revenir à la sagesse des nations — « au pays des aveugles… », etc., je me permets de lui conseiller d’écouter la voix de Colette, de Bachelard, de Gustave Thibon, de Claudel, de Giono, de René Char et de bien d’autres encore : il y entendra celle des peuples de France et peut-être même y gagnera-t-il des voix (ce qui n’est certes pas l’essentiel et puis, je ne saurais me substituer avantageusement à Mme Chikirou ès conseils en communication). Je me permets également de lui recommander la lecture des Déracinés, de Barrès, quoique ce dernier écrivain français, auvergnat d’origine, ait été affecté d’un ridicule accent lorrain. Il pourra facilement se mettre à la place du professeur Paul Bouteiller, kantien de la pire espèce, félicitant son ancien élève Suret-Lefort pour s’être "à ce point affranchi de toute intonation et, plus généralement, de toute particularité lorraine".

L’ardent et incorruptible patriote pourra aussi y prendre un cours de françois ou, plutôt, de « françoué », lorsque Barrès évoque "le vieux fonds national", où la diphtongue "oi" se prononce "oué". Enfin, si Sa personne sacrée fait l’effort de poursuivre Sa lecture jusqu’au troisième volume du Roman de l’énergie nationale, Leurs figures, il pourra méditer sur le tragique itinéraire de l’"ingénieux et véreux" Suret-Lefort devenu député.

NB : je conseille également la lecture de Racination, de Rémi Soulié, aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux, dont Arnaud Guyot-Jeannin a rendu compte ici même, notamment du chapitre intitulé « L’Accent » : M. Mélenchon en tirera sans aucun doute profit. Je précise que ces conseils de lecture relèvent d’un acte gratuit et qu’ils ne donnent donc pas lieu à remboursement par la Sécurité sociale.

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