Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on découvre que, s'il y a un "deux poids deux mesures" politique et parfois malheureusement judiciaire, il y en a un pire : le médiatique.

On a toujours su que chez les moralistes, les journalistes et les humoristes, toutes les indulgences étaient octroyées à la bienséance de gauche, aux provocations forcément progressistes et vindicatives de l'extrême gauche, mais que la droite et l'extrême droite étaient moquées par principe, traînées avec volupté dans la boue. Puisque la vulgarité et le sexisme accablant les femmes de ces familles politiques n'étaient pas blâmables mais quasiment des douceurs qu'aurait autorisées la liberté d'expression (selon une conception partisane et hémiplégique).

C'est commode. À l'égard de ces cibles privilégiées, voire exclusives, rien n'est interdit.

On ne pouvait pas passer à côté de cette injustice mais à quoi bon ruer dans les brancards puisque, paraît-il, depuis toujours, le bien est du côté de ces inquisiteurs fiers d'eux ?

Avec Charlotte, Daniel, Rokhaya, Marlène et les autres, on a tout de même dépassé les bornes et révélé, avec quel lamentable éclat, le triste état de notre paysage politico-médiatique.

J'ai déjà évoqué le lamentable échange sur Twitter où Rokhaya Diallo, en plaisantant mais sans s'en offusquer, valide l'ignominie d'un intervenant de ce réseau social qui a traité Charlotte d'Ornellas de "pute".

Rokhaya Diallo, dont la vision communautariste, politique et sociétale est totalement éloignée de la mienne mais qui est une jeune femme honnête, a contesté mon interprétation en affirmant qu'au contraire, elle avait bien fait valoir la différence entre journaliste et prostituée. C'est un minimum. Quand on lit bien, il m'a semblé que son ironie bienveillante allait plutôt dans le sens de ma dénonciation.

Charlotte d'Ornellas journaliste, certes, mais à Valeurs actuelles !

Mais il y a eu pire, au détriment de la même encore. Charlotte d'Ornellas non seulement a le courage d'affronter la partialité des plateaux médiatiques mais elle doit aussi se préparer au "service après-émission" où tout de ce qui la dégrade est justifié.

Ne voilà-t-il pas qu'un certain Daniel Morin, qui officie sur France Inter et fait rire (forcé) surtout ses collègues d'émission - aucun ne l'a coupé -, s'est exclamé (quelle audace) en ces termes : "Les petites cathos d'extrême droite, ça me plaît, ça me fait chavirer, ça me transporte, ça m'excite, tu me plais, Charlotte, oui, tu plais au-delà du raisonnable..."

On imagine bien que si une journaliste de gauche ou d'extrême gauche avait été moquée de la sorte avec cette piètre dérision émoustillée, il n'aurait pas fait long feu, l'humoriste qui se serait livré à ce petit jeu ! Mais avec Charlotte d'Ornellas, tout est non seulement permis mais c'est devenu presque un devoir civique de s'offrir ce genre de trophée !

C'est une honte.

Daniel Morin ne s'est évidemment pas excusé. Trop fier de sa liberté d'expression univoque et de sa délicatesse lacunaire.

La direction de France Inter - radio du service public - ne s'est pas davantage manifestée. Il est vrai qu'il aurait été dommage qu'elle fît preuve de tenue et d'élégance. Toujours le même arbitraire. Il y a des femmes de droite forcément et structurellement coupables à l'égard desquelles le pire est autorisé, et des femmes de gauche intouchables et nécessairement victimes. On offense les unes et on flatte les autres.

La seule allure dans cette misérable péripétie a surgi des propos de Charlotte d'Ornellas elle-même. Elle a d'abord déclaré que cette chronique n'était pas drôle - première évidence - et qu'elle était assez étonnante sur une radio qui, durant six mois, six heures par jour, avait fait l'article sur balancetonporc - seconde évidence.

Qui l'a défendue, au-delà des antagonismes politiques, tout simplement par dignité et pour démontrer qu'on appartient plus à des valeurs et à des principes qu'à l'étroitesse partisane d'une profession ?

Presque personne.

Boulevard Voltaire s'est porté à son secours. Et Pascal Praud, sur CNews, a dit ce qu'il fallait dire, et avec force. On s'étonne que certaines personnalités plaisent plus que d'autres : on les respecte parce qu'elles ne connaissent pas l'injustice du deux poids deux mesures.

Tex a été chassé de France 2 pour une plaisanterie douteuse. Daniel Morin, lui, est toujours là.

Mais ce n'était que la journaliste Charlotte d'Ornellas de Valeurs actuelles !

Ah, j'oubliais. Il y a eu un silence assourdissant. On n'a pas entendu Marlène Schiappa, qui n'économise pourtant pas ses mots pour tout et n'importe quoi.

Il est vrai qu'en l'occurrence, ç'aurait dû être son sujet.

Charlotte, Daniel, Rokhaya, Marlène et les autres...

Ce n'est pas un film de Claude Sautet mais une séquence si signifiante, guère ragoûtante de la France.

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11 octobre 2018 à 10:00

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