Marion Maréchal-Le Pen tire sa révérence

On disait autrefois, à propos des gens athées, qu’ils ne croyaient ni à Dieu ni à diable. Eh bien, au PS, on ne croit pas beaucoup à Dieu (enfin, autant que je puisse en juger), mais on croit à diable. La députée des Hautes-Alpes Karine Berger a évoqué en effet, mardi soir, sur CNews, le "calcul démoniaque" (n’ayons pas peur des mots) de Marion Maréchal-Le Pen. Si on avait trouvé cet adjectif dans la bouche de Christine Boutin, toute la presse réunie se serait esclaffée devant tant d’obscurantisme outrancier mais, la dame étant socialiste, l’analyse semble somme toute assez nuancée et pondérée. Que penserait donc par-devers elle - selon Karine Berger - la diabolique Marion Maréchal ? "Si le bipartisme, comme certains le rêvent, populiste, s’installe en France, j’ai ma carte à jouer dans cinq ans." On a compris l’idée, Karine Berger n’est pas du genre à s’en laisser conter : Marion Maréchal-Le Pen fait ciao de la main, mais en réalité court se tapir derrière le fourré, pour attendre accroupie, les dents aiguisées luisant dans l’ombre, son heure pendant cinq ans.

Parce que nul ne veut croire qu’elle puisse être désintéressée. Parce que l’une des raisons par elle invoquées, en particulier, paraît improbable à notre monde aux valeurs inversées. Aurore Bergé (avec un "é", cette fois ; ne pas confondre les deux donzelles) a d’ailleurs fait remarquer sur Twitter qu’il était malséant de mettre cette explication en exergue au motif qu’il s’agirait d’un "argument sexiste" : une jeune femme serait prête à renoncer à la popularité, la visibilité, les responsabilités, les ors du palais Bourbon pour regarder grandir son bébé, quand d’autres s’empoignent comme des chiffonniers pour garder un quart de siège à l’Assemblée ? Un enfant aurait tellement de prix que sa mère jugerait que le sacrifice se justifie ?

Les militants de son camp peuvent se sentir lâchés, les sympathisants attristés, les analystes supputer qu’elle gâche de grandes occasions, certains de sa famille la taxer de légèreté, d’autres encore trouver qu’elle aurait pu s’arranger autrement, ses adversaires se moquer, se méfier ou s’en trouver soulagés… tout cela est sans doute vrai, là n’est pas le propos. Mais on ne peut nier qu’elle a tiré sa révérence avec la même élégance décomplexée qu’elle a eue pour toutes choses, faisant souffler un vent de fraîcheur inespéré sur notre pays, qui semble parfois si vieux et asséché : c’est l’amour d’une mère pour son enfant, aujourd’hui, qui fait la une de l’actualité politique.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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