Une belle après-midi dominicale. Vraiment. Pour tous les « frontnationalogues » et autres « lepenologues » plus ou moins autoproclamés, ce dimanche 11 mars 2018 était une belle après-midi. Marine Le Pen prononçait son discours de conclusion du XVIe congrès du Front national à Lille. Et il s’agissait, pour tous ces scientifiques, spécialistes de la « bête immonde », d’analyser la moindre phrase, le moindre mot, la moindre virgule. Le but de cette vivisection ? Détecter tous les indices tendant à démontrer par A plus B que la refondation du Front national n’est que de la com’, du ripolinage, du faux-semblant. Mieux encore : essayer de dénicher la preuve irréfutable qui permettrait de mettre en examen médiatique dans les plus brefs délais la présidente du Front national.

Bien évidemment, les journalistes ont ressorti pour la circonstance, de son mausolée princier, ce cher Don Fabrizio, pour qui "il faut que tout change pour que rien ne change". C'est facile, ça passe bien et donne l'impression qu'on a de la culture. Pendant que Christophe Barbier assurait la permanence de la bien-pensance sur BFM TV, son confrère de L’Express, Alexandre Sulzer, livrait en direct sur Twitter ses analyses politiques fines sur le discours de Marine Le Pen.

Au cours de cette allocution, la présidente du Front national cite Hélie Denoix de Saint Marc : "Tout se conquiert, tout se mérite ; si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu." Histoire de vraiment en terminer avec Mai 68 et ses cohortes, aujourd'hui bedonnantes, de la facilité.

On ne fera pas l’injure de rappeler aux lecteurs de Boulevard Voltaire qui était Hélie Denoix de Saint Marc. Né en 1922, mort en 2013, à dix-neuf ans, il entre dans la Résistance. Dénoncé, il est arrêté et déporté à Buchenwald en 1943. Libéré en 1945, il entre à Saint-Cyr, participe à la guerre d’Indochine puis à la guerre d’Algérie. Il totalisera treize citations et était titulaire de la médaille de la Résistance et de la médaille des Blessés. En 1961, commandant en second du 1er régiment étranger parachutiste, il participera au putsch d'Alger. Il sera arrêté, jugé, condamné, emprisonné, déchu de ses droits civils et militaires. Gracié puis réhabilité dans ses droits sous Mitterrand, il sera élevé grand-croix de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy. À ses funérailles religieuses en la cathédrale Saint-Jean de Lyon était présent Gérard Collomb, alors maire socialiste de Lyon. Mais tous ces rappels sont certainement superflus pour la plupart de nos lecteurs.

"Tout se conquiert, tout se mérite ; si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu", écrivait donc à la fin de sa vie le commandant de Saint Marc dans une lettre intitulée "Que dire à un jeune de vingt ans ?" Que Marine Le Pen ait emprunté une phrase au commandant de Saint Marc n’a rien d’étonnant. Pas seulement parce que son père servit dans le même régiment que Saint Marc, mais aussi parce que la présidente du Front national avait sans doute pour ambition, par son discours, de porter un message d’espoir, fait aussi d’exigence. En effet, dans cette lettre de Saint Marc, les trois phrases qui précèdent celle citée par Marine Le Pen sont celles-ci : "Il faut savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, rouler son propre rocher. La vie est un combat, le métier d’homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent."

Mais revenons à notre analyste politique Alexandre Sulzer, du journal L'Express. À l’écoute de la citation de Saint Marc prononcée par Marine Le Pen, réaction immédiate et tweetesque du de cujus : "Marine Le Pen a cité, comme homme admirable, Hélie Denoix de Saint Marc, qui a pris part au putsch des généraux en 1961. #refondation.". Et pourquoi pas « qui a été déporté à Buchenwald » ? Ignorance, malhonnêteté intellectuelle ? Manque de place, sans doute.

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11 mars 2018 à 20:16

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