Manuel Valls, la Joséphine Baker de la politique française ?

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Manuel Valls achève sa tournée d’adieu dans les médias après l’annonce officielle qu’il se lançait à la conquête de sa ville natale, Barcelone. Ce lundi, c’était au tour de Bourdin, sur BFM TV. Mardi, il adressera un mot à l’Assemblée nationale, à l’occasion de la séance des questions au gouvernement. Une dernière avant de prendre la route.

On aura droit à une séquence émotion. De la gauche vers la droite ou inversement, on applaudira debout le Premier ministre émérite qui, depuis de nombreux mois, semblait traîner son ennui dans l’Hémicycle. On aura peut-être même droit à quelques larmes contenues. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, restera probablement assis, à moins qu’il ne soit déjà à la sortie du palais Bourbon pour réceptionner le camion de goudron et de plumes qu’il destinait samedi, sur Europe 1, à son ancien camarade de Solférino. Mélenchon, qui fut longtemps élu dans l’Essonne, et donc connaît bien le personnage, boudera dans son coin. Le troupeau de La République en marche aura reçu pour consigne de se lever pour applaudir – ils savent faire -, histoire qu’on en termine avec ce personnage qui rappelait insolemment que leur idole fut un temps son subordonné. Au fond, il sera très bien de l’autre côté des Pyrénées.

Manuel Valls affirme que son départ pour Barcelone est définitif. S’il échoue – ce qui, à ce jour, est dans l’ordre du possible -, il arrêtera la politique et restera là-bas, a-t-il avoué. Que vaut cet engagement de la part de celui qui s’était engagé par écrit à soutenir le candidat vainqueur de la primaire de la gauche en 2017 et qui, finalement, s’était rallié à Emmanuel Macron ? Reconnaissons-lui quand même le mérite de se lancer à la conquête de Barcelone sans assurance de réussite en se dépouillant de son mandat de député. Grand seigneur, le fier hidalgo confie même à Bourdin qu’il renonce au dispositif de chômage prévu pour les députés. On est admiratif. Cela dit, il faudrait creuser : est-on certain que l’on puisse bénéficier des indemnités chômage lorsqu’on démissionne ? Et l'on imagine le désastre politique s'il avait conservé ce mandat, au cas où. Mais ne soyons pas mesquins.

Mettons aussi à son crédit d’avoir la reconnaissance du ventre. Manuel Valls doit beaucoup à la politique, a-t-il déclaré chez Bourdin. En fait, il doit tout à la politique, tout du moins au plan professionnel, puisqu’il n’a jamais exercé d’autre métier que la politique : d'attaché parlementaire à Premier ministre en passant par conseiller au cabinet de Michel Rocard, conseiller régional, maire, député, ministre de l’Intérieur… Depuis l’âge de 23 ans, alors qu’il n’avait pas achevé ses études, il biberonne à la politique. Valls est un animal politique.

L’animal s’en retourne donc dans son charnier natal comme le vol de gerfauts du poète José-Maria de Heredia. Fatigué de porter sa misère hautaine de ce côté-ci des Pyrénées ? Finalement, les racines plus fortes que les valeurs de la République ? C’est ce que semble penser Éric Zemmour, qui déclarait la semaine dernière, au micro de Boulevard Voltaire : "Valls était le chantre du discours républicain, c’est-à-dire “On devient français par les valeurs de la République”… Aujourd’hui, il nous dit que tout cela n’existe pas, qu’il n’y a que la loi du sang qui compte, puisqu’il revient à ses racines. C’est très étonnant, pour un type qui a été construit par le républicanisme de gauche." Manuel Valls répond en quelque sorte à Zemmour qu’il est le plus Français des Catalans et le plus Catalan des Français. Une sorte de version revisitée de la chanson de Joséphine Baker « J’ai deux amours ».

Manuel Valls a de la chance d’avoir deux patries. Nombreux sont les Français qui n’en ont qu’une et qui voudraient qu’elle leur reste bien à eux. Et à eux seuls.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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