Mai 68, aujourd’hui comme hier… mais bien moins que demain ?

Prenez_vos_désirs_pour_des_réalités_-_1968

J’ai retrouvé dans mes archives deux magazines précieusement conservés : un numéro de Politis et un dossier d’Enquête sur l’histoire, datés tous deux de juin 1998 et consacrés à Mai 68. Trentième anniversaire, donc, avec ses arrêts sur image, ses interviews, ses grandes “figures”. On nous bassine aujourd’hui avec le cinquantenaire, avec les mêmes arrêts sur image, les mêmes interviews, les mêmes grandes figures… Rien n’a changé ! Aucune leçon n’a été tirée. Jugez-en par vous-même.

Sur l’immigration :
« Il n’a pas été assez compris qu’on ne peut mépriser la demande d’emplois pour les nationaux, la demande de sécurité et d’ordre pour chacun, la demande de sauvegarde, dans la déculturation ambiante, de chances d’identité. J’ai prononcé les mots qui révulsent les bons esprits. Ces mots prennent en compte le chômage des gens du pays ; la terreur qui gouverne certains quartiers, certains collèges, l’impunité de tant de délinquants, la dissolution des caractères de nos terroirs dans l’invasion des produits, des modes, des styles apatrides. »
Georges Bélorgey

« Moi je suis pour les quotas ; d’autres sont contre (…). Il s’agit de compromis de société. Ce débat est nécessaire et évident. »
Daniel Cohn-Bendit

Mon frère « appartenait à un groupe ultragauchiste appelé “Technique en lutte”. Un vibrion destiné à abattre le système des Collèges d’enseignement technique (CET), qui préparait la jeunesse prolo de ces années-là à devenir vieille, et prolo. »
Un anonyme
Aujourd’hui, cette jeunesse victorieusement arrachée aux griffes du patronat s’entasse sur les bancs de l’université. Son avenir ? chômeuse…

Michel Polac, sur le détournement du mouvement à l’ORTF par la CGT :
« J’ai juste écrit un article à chaud pour Esprit : “La grève à papa”. J’expliquais que les grévistes, la plupart non-syndiqués jusque-là, se heurtaient aux permanents cégétistes ou syndicat maison qui avaient introduit – sans vote – l’augmentation des salaires dans nos revendications alors que nous réclamions des changements structurels, la fin du contrôle politique, de la censure, de l’autoritarisme des hiérarchies, etc. (…) la hiérarchie syndicale avait des hommes sûrs aux postes clés et nous fûmes détournés vers des actions symboliques comme des galas de soutien aux grévistes. »
Les troupes de la CGT ont fondu comme neige au soleil mais elle fait toujours le coup de force.

Sur la reprise économique :
« Dans l’interview qu’il accorde au Monde avant de s’expliquer devant l’Assemblée nationale, puis à TF1, le Premier ministre se dit “convaincu que le gouvernement, lui, est et veut rester un pôle de stabilité dont la vie politique française a bien besoin”, ce dont, selon lui, l’opinion est convaincue. C’est faire bien du crédit aux sondages, qui lui sont – c’est vrai – encore très favorables. Mais pour combien de temps si persiste la douleur sociale, cette “Souffrance en France” ? ». La thèse du Premier ministre est que « grâce à sa “politique d’équilibre”, le pays est en train de sortir de la crise. La croissance repart, le chômage a commencé de baisser, etc. […] Or nous constatons chaque jour la montée d’une impatience sociale multiforme, qui atteint les catégories les plus diverses : enseignants, paysans, fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, etc. »
Bernard Langlois, à propos de… Lionel Jospin !

Dans sa Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, feu Guy Ocquenghem, qui les avait fréquentés de très près, fustigeait « les néo-bourgeois des années quatre-vingt, les maos-gaucho-contestos crachant sur leur passé et (qui) ont profité de l’hypocrisie nationale que fut le pouvoir socialiste », ceux qui « s’installèrent dans tous les fromages ».

Force est de constater que pour beaucoup, l’âge et parfois le grand âge venu, ils y sont encore 50 ans plus tard, tel Jack Lang…
Les gauchistes sont devenus droitiers, et la droite n’a eu de cesse de piocher ses idées dans le camp d’en face. Rien n’a changé. C’est même pire encore.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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