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Recevoir les journalistes à l’Élysée à une heure de grande écoute devant des dizaines de millions de Français peut se révéler un exercice périlleux. Le moindre détail de la mise en scène est scruté. Derrière Emmanuel Macron, donc, une assez jolie Marianne, œuvre de l’artiste de rue américain Shepard Fairey, dit Obey, et auteur du désormais mythique portrait bichrome Hope de Barack Obama. À ses côtés, trônant sur la cheminée, un monumental gribouillis conceptuel. Ce Président est donc moderne, mais en même temps ancré dans une forme de tradition relative.

Il est aussi travailleur, tel qu’en témoignent quelques piles de livres disposés en un négligé des plus étudiés dans le champ des huit caméras chargées d’immortaliser l’événement. Ce dimanche dernier, c’était donc un peu "Au théâtre ce soir", sur TF1, et toutes nos félicitations au décorateur. Sans oublier, bien sûr, la principale vedette.

En effet, tout est soigné dans cette prestation. Les seconds rôles principalement. David Pujadas de retour après avoir été sèchement débarqué de France 2, mais qui, tout à sa petite revanche médiatique, peine à tenir son rang ; n’est pas PPDA qui veut. Gilles Bouleau, présentateur maison de TF1, n’est pas tout à fait à la hauteur non plus, mais pas mauvais dans son rôle d’homme invisible. Quant à Anne-Claire Coudray, on admettra qu’ayant succédé à Claire Chazal, elle a hérité de cette dernière profondeur de vue et agilité intellectuelle.

Emmanuel Macron ne pouvait donc que briller à peu de frais devant un tel trio. Ses deux prédécesseurs étaient bonimenteurs, lui aussi. Mais avec un tout autre brio et une indéniable force de conviction. Il n’est, d’ailleurs, même pas impossible qu’il puisse croire en ce qu’il dit. D’ailleurs, au moins a-t-il, lui, une vision de la France. Vision qu’il est évidemment licite de contester ou de combattre, mais au moins vision il y a. À noter, également, ce petit détail qui pour certains veut dire beaucoup : Emmanuel Macron s’exprime dans un excellent français, ce qui nous change agréablement et épargne enfin tant d’oreilles ayant longtemps trop saigné.

Pour le reste, son discours est celui d’un social-démocrate, quelque part entre Valéry Giscard d’Estaing et Michel Rocard. Ainsi prône-t-il un capitalisme dont l’État serait censé réguler les excès. Le concept n’est pas neuf, mais exposé avec clarté. Et finesse, surtout, parvenant par avance à couper l’herbe sous le pied d’éventuels contradicteurs. Assez de justice sociale pour faire la nique à Jean-Luc Mélenchon et ce qu’il faut d’esprit d’entreprise pour satisfaire les libéraux de droite comme de gauche.

Il est tout aussi malin sur l’école et la nécessaire transmission des savoirs fondamentaux, admettant même, tout en contournant le mot, que la sélection vaut mieux pour entrer à l’université que les ubuesques tirages au sort de la rentrée dernière : voilà pour rassurer les plus conservateurs de nos compatriotes. Tant qu’à faire, il n’oublie pas, non plus, ceux des Français qui lui ont préféré Marine Le Pen au second tour de la récente élection présidentielle : renvoyer dans leurs pays d’origine les délinquants s’étant rendu coupables du moindre délit sur notre sol, voilà qui pourrait signifier à plus ou moins long terme le retour de cette double peine jadis abolie par Nicolas Sarkozy. Chiche ?

Sur la politique étrangère - sujet qui n’intéresse, certes, pas prioritairement les Français, mais de laquelle leur sort dépend néanmoins en grande partie -, Emmanuel Macron nous évite, là encore, le pire. Alors que Nicolas Hollande et François Sarkozy n’en finissaient pas de nous entraîner dans des guerres toutes plus absurdes les unes que les autres – à l’exception de notre expédition au Mali –, pratiquaient une géopolitique droit-de-l’hommesque à la manière du bon docteur Kouchner, nous voilà enfin revenus aux traditionnels fondamentaux du Quai d’Orsay. Volonté d’indépendance d’une France œuvrant pour un monde bipolaire, tenant les États-Unis pour alliés et non point pour tuteur légal ou maître à penser.

Bien sûr, on objectera qu’il y a loin de la coupe aux lèvres et que tout ceci n’est que catalogue de bonnes intentions. Nonobstant, les intentions sont bonnes. Une première depuis 2007. Chapeau l’artiste !

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16 octobre 2017 à 11:01

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