Dans Le Fil de l'épée, le général de Gaulle écrivait : "Le prestige ne peut aller sans mystère, car on ne révère pas ce que l'on connaît trop bien. Tous les cultes ont leur tabernacle et il n'y a pas de grand homme pour ses domestiques." La distance et une part de secret qui intrigue, une différence qui tient en respect : tels étaient, selon le fondateur de la Ve République, les éléments qui distinguent le chef, celui qui peut et doit conduire les autres. Il y ajoutait "la sobriété du discours" et parfois "le silence" qui rehausse l'autorité.

À comparer l'occupant actuel de l'Élysée à son illustre prédécesseur, on ne peut s'empêcher de voir apparaître les images d'un dessin animé - L'Apprenti sorcier - où Mickey veut imiter son maître et répète les formules magiques entendues. Il ne maîtrise rien. La magie s'emballe et part dans tous les sens. L'apprenti est dépassé. Macron a lu de Gaulle, a sans doute étudié un peu son histoire. Il en a retenu la présidence jupitérienne qu'il a voulu, selon lui, restaurer à grands coups de monuments historiques et de mise en scène grandiose dans des décors prestigieux.

De Gaulle a sauvé l'honneur de la France le 18 juin. Il a fondé la République actuelle, dont la stabilité et le fonctionnement régulier ont redonné au pays un crédit international et, jusqu'en 1981, assuré une politique sérieuse et continue. On ne peut, comme le fait le Président actuel, se réclamer à la fois de De Gaulle et de Mitterrand. Si l'on se libère de la foule des courtisans et des communicants qui ont osé la comparaison, on doit se rendre à l'évidence que le premier tentait une restauration du pays quand le second, ambigu plus que mystérieux, jouisseur du pouvoir plus qu'homme d'État, a amorcé une décadence qui n'a pas cessé depuis lors. Embardées économiques, cohabitations malsaines, coups tordus et vie privée indigne protégée par l'État : cet homme est l'exact contraire du Général. Son mépris glaçant n'avait rien de commun avec la distance imposée par un véritable chef d'État.

Le signe de cette imposture est l'excès, "l'ubris", comme dit Collomb. Démesure théâtrale du Louvre ou de Versailles, démesure de l'envolée rhétorique accompagnée du poing qui martèle le pupitre de l'ONU, démesure inverse de la proximité "tactile" auprès de Trump, qui s'en amuse au point de la rendre ridicule, démesure extrême des enlacements déplacés jusqu'à devenir suspects aux yeux de certains, dans une séquence incroyable à Saint-Martin. Zemmour soulignait le contraste saisissant entre la leçon faite de haut à un gamin "blanc" qui l'avait appelé "Manu" et les photographies avec deux jeunes Antillais bien bâtis et torses nus, l'un délinquant, l'autre faisant un "doigt d'honneur" où le Président perd toute contenance et noie son prestige. Une autre image hante désormais les esprits : le couple Macron, en extase, au milieu d'un groupe de chanteurs et de danseurs noirs qui affichent leur homosexualité avec ostentation. C'est à l'Élysée : imagine-t-on le Général dans cette posture ? Mais, pour le coup, on n'imagine aucun de ses successeurs ni aucun des concurrents de l'élu de 2017 dans une situation aussi grotesque.

Macron, qui veut une fois de plus modifier la Constitution, va devant le Conseil constitutionnel pour célébrer son 60e anniversaire. On a déjà beaucoup trop réformé le texte et le premier acte de respect envers son créateur serait de ne plus y toucher. La politique du Général n'a pas été parfaite aux yeux de tous. Sa politique algérienne a notamment laissé bien des meurtrissures. En revanche, l'appel de 1940 et la Constitution de 1958, qui à deux reprises ont permis à la France de compter dans le monde, devraient fonder une union sacrée des Français et leur interdire de s'affronter sur ces sujets. Jean-Louis Debré le rappelait récemment.

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04 octobre 2018 à 19:17

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