C’est un pli qu’avaient pris leurs prédécesseurs depuis quelques années : une courtisanerie effrénée auprès des "communautés". Bien qu’on n’ait jamais vu, sauf peut-être à titre strictement privé, un président de la République se rendre au dîner de l’archevêché pour y fêter la fin du carême, nos huiles républicaines, hérauts claironnants de la laïcité, s’en allaient chaque année en grande pompe, et surtout ès qualité, aux grand-messes confessionnelles dès lors qu’elles n’étaient point chrétiennes.

Fraîchement élu voilà tout juste un an, Emmanuel Macron se rendit donc au dîner du CFCM, le Conseil français du culte musulman. C’était une première pour lui et pour la France puisque, jusque-là, au grand dam de cette institution créée par Nicolas Sarkozy en 2003, aucun chef de l’État n’avait accepté de s’y rendre. Seuls les ministres et le premier d’entre eux sacrifiaient au rituel.

Il faut reconnaître que le chef de l’État frais émoulu s’y était rendu en juin 2017 pour remonter les bretelles des grands pontes de l’islam de France, leur demandant de se réformer et surtout de prendre leurs distances avec certains pays étrangers. C’est probablement parce qu’il n’a guère été entendu qu’Emmanuel Macron boude cette fois « l’iftar ». Quant à Édouard Philippe, son Premier ministre, il n’y fera qu’un court passage le temps d’un thé à la menthe. C’est donc notre ministre de l’Intérieur et des Cultes, le gentil Gérard Collomb, qui va s’y coller.

Tout cela, on s’en doute, ne plaît pas aux instances dudit Conseil. Ces messieurs se plaignent d’être mal aimés, mal jugés, en proie à « l’islamophobie » ambiante. Chose qui n’arrange rien, le nouveau président du CFCM, monsieur Ahmet Ogras, est également président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF). C’est un proche de l’AKP, le parti du président turc Erdoğan, très soutenu par la diaspora turque en France, comme l’ont montré les incidents autour des récentes affiches du Point.

On se réjouit donc que le chef de l’État n’aille pas frayer avec le CFCM. Il est normal qu’il délègue là-bas son ministre des Cultes Gérard Collomb, et c’est assez pour l’occasion. Mais si l’on se félicite de ce retour à la stricte normalité des choses, on aimerait bien – pour éviter le "deux poids deux mesures" – qu’il sèche également le dîner annuel du CRIF, un rituel qu’Alain Finkielkraut n’avait pas hésité à qualifier de "tribunal dînatoire où les membres du gouvernement français comparaissent devant un procureur communautaire" (dans L’Arche, en 2005).

C’est également Nicolas Sarkozy qui a inauguré les visites présidentielles au dîner du CRIF, en faisant une véritable tribune politique à laquelle tout bien-pensant se doit de participer, faisant ainsi allégeance à la communauté. Le sommet fut atteint sous la présidence de François Hollande, qui y participa avec tout son gouvernement au milieu de 700 invités. En sont notamment exclus, bien sûr, "Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon [qui] ne sont pas invités au dîner du CRIF car ils véhiculent la haine", a dit le président Francis Kalifat.

5311 vues

13 juin 2018 à 15:57

Pas encore abonné à La Quotidienne de BV ?

Abonnez-vous en quelques secondes ! Vous recevrez chaque matin par email les articles d'actualité de Boulevard Voltaire.

Vous pourrez vous désabonner à tout moment. C'est parti !

Je m'inscris gratuitement

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.