Macron omni-Président ?

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Lors des élections législatives de 1958, 334 des 475 élus sortants qui se représentaient étaient finalement éliminés, balayés par le gaullisme naissant et la volonté d’en finir avec la IVe République. Au soir du premier tour des élections législatives de la présidence Macron, le parallèle est saisissant. La fameuse « bulle » médiatique s’est, à l'évidence, révélée d’une remarquable solidité. Emmanuel Macron a réalisé un XVII Brumaire centriste, assumant le progrès au sens large. Dans le même temps, de nombreux acteurs célèbres de la vie politique nationale, au Parti socialiste ou chez Les Républicains, candidats à leur propre succession enracinés dans leurs circonscriptions respectives, ont été éliminés ou se trouvent en ballottage très défavorable. Les votants avaient, semble-t-il, envie de poursuivre le grand ménage entamé en avril dernier. Que faut-il retenir de cette soirée ?

- Le Parti socialiste poursuit sa chute, menaçant de connaître le destin qu’embrassa naguère le Parti radical de gauche. Les barons de la rue de Solférino, qui faisaient auparavant régner la terreur, sont tombés les uns après les autres. En effet, le Parti socialiste est dans une impasse, ringardisé par le parti présidentiel et concurrencé par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Son espace politique s’est considérablement réduit, de même que sa crédibilité après un quinquennat difficilement lisible. En outre, ses personnalités phares se présentaient parfois sur des circonscriptions urbaines difficiles, dans lesquelles l’électorat est moins attaché au député sortant. Songez que Cambadélis, Hamon, Fekl, Mennucci, Boutih, Boistard, Lamy ou Guigou ont été éliminés au premier tour. Quant à Najat Vallaud-Belkacem, ultra-favorite il y a quelques mois, elle subira le même sort dimanche prochain. Une Bérézina ! Ce parti historique pourra-t-il survivre à cette saignée ? Rien n’est moins sûr. Réjouissons-nous : son terrorisme intellectuel est mort.

- Emmanuel Macron, excellent communicant depuis son élection à la tête de l’État, bénéficiera d’une majorité écrasante. Les projections lui accorderaient entre 415 et 445 députés, sans compter les candidats de gauche ou de droite qui se sont déclarés prêts à soutenir la future majorité présidentielle, à l’image de Myriam El Khomri, Sylvia Pinel ou Pierre-Yves Bournazel. Un triomphe électoral qui confortera la position « jupitérienne » d’Emmanuel Macron, dans des proportions qui interrogeront, une nouvelle fois, notre mode de scrutin. Est-il acceptable, en démocratie, qu’un parti réunissant un tiers des suffrages puisse être représenté par 80 % des élus à l’Assemblée nationale ? Certes, Charles de Gaulle avait conçu les institutions de la Ve République de la sorte, afin d’éviter les blocages d’après-guerre, mais sont-elles toujours adaptées à notre époque ? On peut en douter. Fort d'un tel score, Emmanuel Macron pourrait être tenté de revenir sur sa promesse de campagne relative à l’ajout d’une part de proportionnelle. Sa position à ce sujet en dira long sur son exercice du pouvoir. Ses candidats, souvent novices en politique, présentant aussi des profils atypiques, lui seront d’une extrême fidélité. Pis : les marcheurs inquiétés par la justice, à juste titre comme le ministre Richard Ferrand, sont arrivés largement en tête dans leurs circonscriptions. Le Président pourra mener sa politique comme bon lui semble, sans risquer de subir la fronde qui avait affaibli son prédécesseur. Il n’aura donc aucune excuse.

- Les Républicains seront la première force d’« opposition » à l’Assemblée nationale avec environ 80 députés. Vraiment ? On peut craindre que la « droite », subjuguée par Emmanuel Macron, ne soit qu’une opposition fantoche ou, pour le dire poliment, « constructive » à la manière du Parti social démocrate nord-coréen… Durablement ringardisée, recroquevillée sur son électorat le plus âgé, la droite dite de gouvernement aura bien du mal à se remettre de cette épreuve. Tout comme le Parti socialiste, cette vieille dame va devoir faire peau neuve ou se résigner à s’effacer.

- Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont en ballottage favorable et devraient être élus. À n’en point douter, ils occuperont une fonction tribunicienne importante dans une Assemblée soumise à l’omni-Président Macron. Malheureusement pour le Front national, peu de candidats devraient parvenir à faire leur entrée au palais Bourbon, handicapés par une dynamique négative et une forte abstention des classes populaires. Néanmoins, le Front national peut, s'il s'en donne les moyens et fait son aggiornamento, incarner la première force d'opposition à la majorité présidentielle.

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